Introduction

HISTOIRE DE LA COLLECTION DES INSCRIPTIONS GRECQUES DU MUSÉE NATIONAL DE VARSOVIE

Créé en 1915 sur l'ancien fonds du Musée des Beaux-Arts ayant existé à Varsovie dès 1862[1], le Musée National n'abritait initialement qu'une très modeste collection de monuments antiques ne renfermant aucune inscription grecque. La collection d'inscriptions du monde grec au Musée National de Varsovie fut inaugurée deux ans après par l'épitaphe d'Abiania Kallistrate (no 120 du présent catalogue). Le monument qui fut offert au Musée le 23 avril 1917 par la Société de Protection des Souvenirs du Passé faisait partie d'un plus vaste ensemble contenant en outre gravures documentaires, tableaux, sculptures, varsaviana et objets d'industrie artistique. Le généreux donateur, la Société de Protection des Souvenirs du Passé (Varsovie 1906-1944), regroupait artistes, savants et amateurs de l'art et se donnait pour objectif d'une part la protection et la conservation des oeuvres d'art et, de l'autre, la promotion des recherches en histoire de l'art et de la culture. On ignore comment la Société était devenue propriétaire de la pierre qui, compte tenu de la forme du support et de la formule d'inscription, devait être originaire de la ville de Rome.

En 1938, deux inscriptions issues du fonds de Michał Pac[2] vinrent enrichir la collection épigraphique du Musée National. Général de l'armée polonaise, Michał Ludwik Pac (1780-1835) aurait constitué sa collection pendant son voyage de noces en Italie en 1817. En effet, parmi les lieux d'acquisition des différentes pièces figurent entre autres Florence et Rome, parfois aussi Pompéi. Il y a lieu de croire qu'à leur arrivée en Pologne, les monuments ont rejoint deux grandes résidences familiales du général: le palais Pac à Varsovie et le château de Dowspuda en Pologne orientale. Après la chute de l'insurrection de novembre (1830/31), Michał Pac, qui avait pris une part active à la révolte, dut quitter le pays et s'installer à l'étranger. Tous ses biens furent confisqués par les autorités moscovites et vendues aux enchères. Sa collection d'antiquités fut alors dispersée à tel point que même aujourd'hui il est impossible de reconstituer avec certitude le sort de nombreuses pièces qui en faisaient partie. Il semble bien que les objets abrités à Dowspuda ont été définitivement perdus. Parmi ceux qui se trouvaient à Varsovie certains furent saisis par les officiers russes, d'autres mis aux enchères, d'autres encore confisqués par les autorités tsaristes. Ce dernier lot fut ensuite partagé: la majeure partie des objets fut transférée en plusieurs temps à différents musées de Saint-Pétersbourg et de Moscou, les autres furent déposés en un lieu secret au palais de Łazienki à Varsovie où ils furent «redécouverts» en 1922. Suite aux accords du traité de Riga, à l'issue de la guerre entre la Pologne et la Russie soviétique, la partie «russe» de la collection Pac fut restituée à la Pologne en 1928. Les objets intégrèrent d'abord le Fonds National des Oeuvres d'Art et furent déposés au Château Royal de Varsovie pour devenir ensuite propriété du Musée National. La partie issue de la collection Pac conservée au Musée National compte actuellement 101 pièces parmi lesquelles se trouvent fragments de sarcophages, urnes funéraires, reliefs, sculptures en ronde-bosse, sculptures architectoniques et décoratives. En dehors des inscriptions grecques ici présentées (nos. 121-122), la collection compte cinq épitaphes latines.

À la même époque que les pièces du fonds Pac sont parvenues au Musée National les monuments mis au jour par les premières missions archéologiques polonaises dans le bassin méditerranéen. En 1936, l'Université de Varsovie, en collaboration avec l'Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire (IFAO), entreprit la première campagne de fouilles à Edfou en Haute Égypte (ancienne Apollonopolis Magna). Du côté polonais, la codirection des fouilles était assurée par Kazimierz Michałowski, professeur d'archéologie classique à l'Université de Varsovie et ancien membre étranger del'École Française d'Athènes. Les travaux archéologiques étaient menés parallèlement sur la nécropole de l'Ancien Empire et de la Première Période Intermédiaire et dans la ville de l'époque gréco-romaine et byzantine. Il n'y eut au total que trois campagnes de fouilles, en 1936/37, 1937/38 et 1938/39.[3] Grâce à la réglementation très libérale à cette époque en Égypte en matière d'exportation des objets archéologiques, à l'issue de chaque campagne Kazimierz Michałowski a pu emporter en Pologne quelques centaines d'objets mis au jour par l'équipe franco-polonaise ou découverts fortuitement à Edfou pendant et avant les travaux de la mission. En 1938, cette collection s'est augmentée d'un ensemble de pièces provenant d'autres sites fouillés par les Français en Égypte (Kôm el Ahmar, Deir el Medinah) offert aux partenaires polonais par le directeur de l'IFAO en témoignage de reconnaissance de leur contribution aux fouilles d'Edfou. À leur arrivée à Varsovie, les monuments furent déposés au Musée de l'Université de Varsovie pour être ensuite transférés, à la veille de la seconde guerre mondiale, au Département de l'Art antique nouvellement ouvert au Musée National. C'est ainsi que sont parvenues au Musée six inscriptions grecques dont quatre en provenance d'Edfou (un ex-voto, deux épitaphes et une inscription fragmentaire, nos. 65, 92, 93 et 117) et deux de Kôm el Ahmar (un ex-voto et une épitaphe, no. 53 et 73).

La collection épigraphique du Musée National de Varsovie s'est très sensiblement enrichie au lendemain de la seconde guerre mondiale avec l'intégration des anciennes collections allemandes et la nationalisation des collections privées polonaises appartenant à de grandes familles aristocratiques. La plupart des objets issus des collections particulières ont ainsi intégré le fonds du Musée National de Varsovie qui, selon le projet des nouvelles autorités polonaises visant la centralisation dans tous les domaines de la vie publique, devait accueillir l'essentiel des oeuvres d'art antique conservées en Pologne.[4] C'est de cette façon que sont parvenus au Musée National de Varsovie d'une part la collection des inscriptions grecques et latines du Lyceum Hosianum de Braniewo et le lécythe attique inscrit du Musée de la Ville de Szczecin (en allemand Stettin) et, de l'autre, les épitaphes de Phénicie venant du fonds des princes Czartoryski à Gołuchów et le décret hellénistique de Thasos en l'honneur de Polyarétos, propriété de la famille Raczyński de Rogalin.

Au sein de ce vaste ensemble d'objets la place centrale revient à la collection épigraphique de Braniewo. Braniewo (en allemand Braunsberg) est une petite ville de Warmie (en allemand Ermland) située à quelques kilomètres à l'est de la lagune de Vistule et la baie de Gdańsk et, en termes géopolitiques actuels, tout près de la frontière entre la Pologne et le district de Kaliningrad appartenant à la Russie. La Warmie avec Braniewo faisait partie de la Prusse dite Royale qui, depuis le traité de Thorn (1466), appartenait à la couronne de Pologne. À la différence de la plus grande partie de la Prusse dite Ducale qui, après la sécularisation de l'État teutonique, pendant la Réforme, s'était alignée au protestantisme, la Warmie persista dans le catholicisme. Vers le milieu du XVIe siècle, l'évêché de Warmie fut investi par un grand humaniste polonais et partisan acharné de la Contre-Réforme, le cardinal Stanisław Hozjusz (Stanislas Hosius).[5] En 1565, l'évêque fonda à Braniewo un collège de Jésuites dans le but de cultiver la foi catholique dans cette partie de l'Europe. Le collège continua son activité jusqu'en 1772, date à laquelle il fut fermé par les autorités du royaume de Prusse qui, suite au premier partage de la Pologne, avaient pris le contrôle de la Warmie. La fermeture du collège fut également en rapport avec la dissolution de l'ordre des Jésuites en 1773. En 1818, principalement grâce aux efforts de l'évêque de Warmie de l'époque, le collège fut réactivé comme grande école comportant deux facultés: théologie et philosophie. On l'appela Lyceum Hosianum en l'honneur de son premier fondateur. En 1913, le Lyceum Hosianum fut nommé Königliche Preussische Akademie, puis, en 1918, il reçut le nom de Staatliche Preussische Akademie qui resta en vigueur jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. À la fin du XIXe siècle, Wilhelm Weissbrodt, professeur de philologie classique au Lyceum Hosianum, y créa à des fins didactiques un cabinet d'antiquités (Antikarchäologisches Kabinett) qu'il dirigea jusqu'à sa mort en 1917. Le cabinet abrita des pièces de sculpture antique, petites terres cuites et petits bronzes, monnaies, verreries, céramiques et, surtout, inscriptions, pour la plupart grecques mais aussi latines.[6] Weissbrodt forma sa collection en procédant à des achats réguliers sur le marché des antiquités des pays de la Méditerranée, plus particulièrement dans l'Empire ottoman (Constantinople, Smyrne) et en Égypte (le Caire et sans doute Alexandrie). Il est aujourd'hui impossible de répondre avec certitude à la question de savoir qui avait pris en charge le coût de ces acquisitions. Cependant, compte tenu du fait que certains parmi les monuments épigraphiques de cette collection portent l'inscription « Beihilfe der Provinz », on peut penser qu'elles étaient du moins en partie financées par des subventions directes allouées par le gouvernement de la province de Prusse Orientale.[7] Il n'est pas non plus possible de déterminer avec précision la date des premières acquisitions. Le gros des achats eut lieu dans les premières années du XXe siècle, avant 1913, mais quelques acquisitions semblent plus tardives. Trop préoccupé par ses responsabilités didactiques et administratives à Braunsberg, Weissbrodt ne s'était jamais rendu dans les pays fournisseurs d'antiquités mais il avait confié le soin des achats à des intermédiaires. Deux hommes semblent l'avoir particulièrement bien secondé dans cette tâche: Theodor Wiegand, directeur du Königliche Preußische Museumsstation à Constantinople au début du XXe siècle, et Otto Rubensohn qui séjournait à cette époque en Égypte. À l'état actuel de recherches, il est difficile de savoir avec certitude si Wiegand et Rubensohn étaient personnellement chargés d'achats qu'ils devaient effectuer au nom de Weissbrodt, munis d'argent et de procurations nécessaires. Une chose reste certaine, à savoir que la majorité des monuments épigraphiques grecs parvenus à Braunsberg étaient passés par les mains de l'un ou de l'autre. C'est aussi à Wiegand et à Rubensohn que l'on doit les premières publications d'un grand nombre des inscriptions, publications fort précieuses car basées généralement sur l'examen des pierres fait directement chez le marchand d'antiquités. La collection des inscriptions grecques de Braunsberg comptait au total plus de 90 monuments dont 84, transférés via Olsztyn (Allenstein) à Varsovie en 1947, sont aujourd'hui conservés au Musée National. Le sort de quelques pièces qui faisaient autrefois partie du fonds de Braunsberg reste inconnu: elles ne sont jamais parvenues au Musée National de Varsovie et ne figurent dans aucune autre collection polonaise.[8] Tout porte à croire qu'elles s'étaient perdues ou qu'elles avaient été détruites soit pendant la seconde guerre mondiale soit dans la tourmente qui l'avait suivie. La façon dont la collection épigraphique de Braunsberg fut formée détermina son contenu qui garde encore aujourd'hui toute sa particularité facilement reconnaissable dans ce qui en reste au Musée National de Varsovie. Ainsi, la collection renferme d'une part les inscriptions acquises chez des antiquaires de l'Empire ottoman, lesquelles proviennent d'Asie Mineure (entre la mer Marmara et le massif du Taurus), des îles du littoral grec et de Thrace et, de l'autre, les pierres achetées au Caire et à Alexandrie, pour la plupart originaires de la Basse Égypte. Quelques-unes parmi les pièces de cette collection proviennent de Phénicie (nos. 30 et 41) et de Rome (no. 120).

Le Musée de la Ville de Stettin (Szczecin) fut créé à l'initiative du docteur Heinrich Dorn, entomologiste, homme politique et homme d'affaires, issu d'une des plus célèbres familles bourgeoises de Stettin.[9] Le Musée, dont l'ouverture solennelle eut lieu en 1913, abritait des collections d'histoire naturelle, surtout une importante collection entomologique, des collections archéologique et historique de Poméranie et une collection d'art antique. Cette dernière renfermait céramiques grecques depuis l'époque mycénienne jusqu'à la période hellénistique, terres sigillées romaines, verreries, terres cuites, petites pièces provenant de fouilles de la mer Noire et plus de cent copies en bronze de sculptures antiques. Parmi ces objets on comptait deux lécythes funéraires attiques en marbre, dont un inscrit. La collection du Musée de la Ville de Stettin, qui avait réussi à échapper, non sans quelques dommages, au désastre de la seconde guerre mondiale, fut déposée au Musée National de Varsovie le 15 janvier 1948. Après 1990, une grande partie de cette collection (y compris le lécythe anépigraphe Ch. Clairmont, Classical Attic Tombstones IV, p. 108-109, no. 4.434) est retournée dans sa ville d'origine pour intégrer le fonds du Musée National de Szczecin. Le lécythe inscrit (no. 2 du présent catalogue) qui, formellement, appartient au Musée National de Szczecin reste toujours au Musée National de Varsovie et garde son ancien numéro d'inventaire.

La collection des princes Czartoryski de Gołuchów fut formée dans sa plus grande partie par Izabela Działyńska née Czartoryska entre 1852 et 1899. Cette collection fut, depuis le début, très hétérogène.[10] L'essentiel de ce fonds était constitué d'oeuvres d'art moderne, d'objets d'artisanat (avec un très précieux ensemble de maïoliques) et de souvenirs historiques polonais. La collection d'art antique, formée un peu en marge des principaux intérêts de la collectionneuse, ne comptait que par la présence des vases grecs que la princesse avait reçus de son époux, Jan Działyński, en qualité de gage. Outre les vases, la collection comprenait bijoux, verreries, terres cuites, bronzes, sculptures (avec quelques portraits romains), instrumentum domesticum, objets égyptiens, phéniciens, chypriotes et puniques. Parmi ces objets, il y avait 11 d'épitaphes grecques de Phénicie, surtout (ou peut-être exclusivement) de Sidon, et un ensemble d'inscriptions syllabiques chypriotes provenant des fouilles de Max Ohnefalsch Richter à Polis tis Chrysochou (ancien Marion) dans le nord-ouest de l'île.[11] Les objets antiques de la collection avaient été achetés par Izabela Działyńska chez des antiquaires, en particulier chez l'antiquaire parisien Henri Hoffmann. Parmi les connaissances parisiennes de la princesse on comptait de nombreux savants français qui avaient guidé la collectionneuse dans ses choix, pour ne mentionner que les conservateurs du Louvre: Molinier, de Witte et, surtout, Wilhelm Froehner qui, dans une édition de luxe en 25 exemplaires numérotés, publia le catalogue de la majeure partie des pièces antiques de la princesse Działyńska.[12] La collection d'Izabela Działyńska fut d'abord abritée à Paris, à l'Hôtel Lambert, résidence de la famille Czartoryski en exil. Avant 1880, elle fut transférée au château de Gołuchów en Grande-Pologne où la princesse avait aménagé son petit «paradis terrestre». Izabela Działyńska étant morte sans postérité en 1899, toute la collection d'antiquités passa à la famille Czartoryski qui continua l'oeuvre de la princesse en procédant à quelques nouvelles acquisitions (entre autres un relief de Palmyre). Dans les années vingt du XXe siècle, le château de Gołuchów fut transformé en musée et ouvert au public. Pendant la seconde guerre mondiale sa collection a connu un sort bien tourmenté. En effet, déjà à la veille de l'invasion nazie, la plus précieuse partie du fonds, y compris les vases grecs, fut déposée au Musée National de Varsovie. En 1944, dans le cadre des répressions après l'échec de l'insurrection de Varsovie, ces objets furent transférés par les Allemands dans le Reich où, après la capitulation, ils furent repris par les Russes vainqueurs et emportés en Union Soviétique. Tout ce lot fut restitué à la Pologne seulement en 1956, mais au lieu de retourner à Gołuchów, il rejoignit le fonds du Musée National de Varsovie. Les pièces moins importantes de la collection d'Izabela Działyńska étaient restées en 1939 au château de Gołuchów où elles ont passé, tant bien que mal, les années de guerre. En 1948, la plupart d'entre elles (y compris les épitaphes grecques de Phénicie, nos 31-40 du présent catalogue) intégrèrent le fonds du Musée National de Varsovie. Quelques-unes, avec les inscriptions syllabiques chypriotes,[13] restèrent après la guerre au château de Gołuchów devenu filiale du Musée National de Poznań.

Daté du haut hellénisme, le décret de Thasos en l'honneur de Polyarétos est une véritable «pierre errante». Le monument a été vu pour la première fois dans les années soixante-dix du XVIIIe siècle à Thasos par un aristocrate français, M.G.F.A. Choiseul-Gouffier, qui l'a décrit dans son récit de voyage. Choiseul-Gouffier fit transporter la pierre à Smyrne où elle, diton, aurait disparu dans le grand incendie de la ville (avant 1809). Dans les années vingt du XIXe siècle, le monument se retrouva dans la propriété de la famille Raczyński à Rogalin en Grande-Pologne où le jeune Wojciech Morawski exécuta une très bonne copie de l'inscription utilisée ensuite par A. Boeckh dans son édition du CIG. La pierre était très vraisemblablement parvenue en Pologne par les soins d'Edward Raczyński[14] qui, dans sa jeunesse, avait effectué un voyage à Constantinople, dans le nord-ouest del'Asie Mineure et sur les îles de la mer Égée.[15] Possédant une excellente formation classique,[16] le jeune voyageur était particulièrement intéressé par les inscriptions; on sait par ailleurs qu'il copiait des inscriptions rencontrées à Constantinople et à Assos. Tout porte à croire que la plaque avec le décret en l'honneur de Polyarétos, conservée presque intacte, avait tellement impressionné Raczyński qu'il a décidé de la ramener en Pologne en guise de souvenir de voyage. Il est vrai qu'à un moment, après 1829, la pierre s'est perdue à Rogalin mais on elle y a été retrouvée à la fin du XIXe siècle. Après la seconde guerre mondiale, le monument fut retrouvé dans le parc à proximité de la chapelle et transféré au Musée National de Varsovie (no. 13 du présent catalogue).

En 1953 le Musée National de Varsovie accueillit la collection d'antiquités assemblée par Mieczysław Geniusz, ingénieur polonais ayant résidé en Égypte dans la première moitié du XXe siècle.[17] La collection renfermait entre autres des aegyptiaca. C'est de ce fonds que proviennent deux inscriptions grecques fragmentaires dont il est difficile de préciser la nature (nos 118-119 du présent catalogue).

En 1960, le Musée du Louvre confia en dépôt au Musée National de Varsovie 160 objets antiques, pour la plupart des sculptures grecques et romaines.[18] Parmi ces ouvrages se trouve la stèle funéraire de Diodélos et de Diognétos de Rhamnous (no. 1 du présent catalogue).

Au cours des années soixante, soixante-dix et quatre-vingts du XXe siècle, la collection des inscriptions grecques du Musée National de Varsovie s'est sensiblement augmentée grâce aux travaux archéologiques de différentes équipes polonaises dans la vallée du Nil. Le premier chantier polonais après la seconde guerre mondiale fut ouvert dans cette région en 1957 à Tell Atrib (Athribis) à 50 Km au nord du Caire. Les fouilles de ce site, poursuivies avec quelques intervalles jusqu'en 1998, principalement dans la ville de l'époque gréco-romaine et byzantine,[19] ont fourni entre autres deux inscriptions fragmentaires présentées dans ce catalogue (nos. 115-116).

Dans les années 1961-1964, dans le cadre d'une grande entreprise internationale de sauvetage et de protection des monuments de Nubie avant l'inauguration du barrage d'Assouan et l'inondation d'un grand nombre d'entre eux par les eaux du lac Nasser, une mission archéologique polonaise dirigée par Kazimierz Michałowski mena des travaux à Faras au Soudan, à proximité de la frontière égyptienne.[20] Le plus grand succès de ces fouilles fut sans aucun doute la mise au jour de la cathédrale de Faras construite au VIIIe siècle et utilisée jusqu'au XIIIe/XIVe siècle. Découverte en parfait état de conservation, la cathédrale avait gardé ses magnifiques peintures, son mobilier liturgique et tout son entourage avec, entre autres, des sépultures d'évêques. Aujourd'hui inondé, le site de Faras avait réussi à livrer de nombreux monuments qui furent ensuite partagés entre le Musée Soudanais de Khartoum et le Musée National de Varsovie. Le lot varsovien contient entre autres sept inscriptions grecques:[21] inscription de fondation de la cathédrale (101), deux autres inscriptions de construction (102-103) et quatre épitaphes, dont trois commémorant les évêques de Faras (104-107).

Après la fermeture du chantier de Faras, la même mission archéologique entreprit des fouilles au Vieux Dongola, capitale médiévale de la Nubie, une localité située entre la troisième et la quatrième cataracte. Commencés en 1964, les travaux du Vieux Dongola se poursuivent.[22] Les fouilles ont déjà apporté la découverte d'une série d'églises, de deux monastères, d'un fragment de murs d'enceinte avec des constructions avoisinantes et des habitations particulières en dehors des murs. Les travaux du Vieux Dongola fournissent un matériel archéologique qui abonde, surtout ces dernières années, en trouvailles d'épigraphie grecque. Grâce à la pratique du partage avec le partenaire soudanais du matériel dégagé par l'équipe polonaise, le Musée National de Varsovie s'est récemment enrichi de cinq inscriptions (nos. 110114du présent catalogue). Il s'agit de cinq épitaphes représentant le type caractéristique de la Nubie chrétienne.

La toute dernière acquisition du Musée National destinée à rejoindre sa collection des inscriptions grecques, l'épitaphe de Mélas et de Heraklammon originaire de la Basse Égypte, peut-être de Térénouthis, fut achetée à un particulier en 1992 (no. 79du présent catalogue). Le vendeur avait hérité cet objet de son grand-père qui, dans la première moitié du XXe siècle, travaillant au service du schah de Perse, avait effectué de nombreuses missions au Proche Orient, y compris en Égypte. Tout porte à croire que l'inscription a été rapportée comme souvenir d'un de ces voyages.

Deux départements du Musée National de Varsovie se partagent la collection des inscriptions grecques, à savoir: Département de l'Art antique et Département d'Art de l'Orient chrétien. Le principe de ce partage est simple. Le Département de l'Art antique abrite toutes les inscriptions grecques païennes alors que le Département de l'Art de l'Orient chrétien toutes les inscriptions grecques chrétiennes (sauf les épitaphes de Biktorinios et de Tanisgene, nos 94 et 95dans le présent catalogue), indépendamment de leur provenance. Cette répartition est en vigueur depuis 1996, soit depuis la création du Département de l'Art de l'Orient chrétien. Avant cette date, toutes les inscriptions grecques de la collection du Musée National étaient regroupées au Département de l'Art antique.

[1]

Sur l'histoire du Musée National de Varsovie, voir S. LORENTZ, « Dzieje Muzeum Narodowego w Warszawie » [« L'histoire du Musée National de Varsovie »], RMNW 6 (1962), p. 7-132 (avec résumé en russe et en français); sur la création du Musée et les premières années de son existence, pendant la première guerre mondiale, voir particulièrement p. 23-28.

[2]

Sur la collection Pac, voir T. MIKOCKI, RMNW 28 (1984), p. 424-431, idem, Archeologia (Warszawa) 37 (1986), p. 60-63 et 77-79, Annexe V; idem, Najstarsze kolekcje starożytności w Polsce (lata 1750-1830) [Les plus anciennes collections d'antiquités en Pologne] [= Archiwum Filologicz-ne 46], Wrocław - Warszawa - Kraków - Gdańsk - Łódź 1990, pp. 87-93 et 141-149.

[3]

Sur l'activité de la mission archéologique franco-polonaise à Edfou voir M. L. BERNHARD, « Edfu » [dans:] 50 lat polskich wykopalisk w Egicpie i na Bliskim Wschodzie [50 ans des fouilles polonaises en Égypte et dans le Proche Orient], Warszawa 1986, p. 2328; sur les antiquités d'Edfou au Musée National de Varsovie, voir J. AKSAMIT, «Liste des publications polonaises concernant les fouilles franco-polonaises à Edfou et les antiquités égyptiennes du dépôt du Louvre au Musée National de Varsovie » [dans:] Tell Edfou soixante ans après. Actes du colloque franco-polonaise, Le Caire 15 octobre 1996 [= Fouilles franco-polonaises 4], Le Caire 1999, p. 121

129.

[4]

De telles décisions furent en effet prises par les assemblées générales de l'Association des Musées à Nieborów et à Poznań respectivement en 1946 et 1947; cf. S. LORENTZ, « Postulaty muzealnictwa polskiego» [«Principes d'organisation des musées polonais»], Pamiętnik muzealny 8 (1947), p. 1618.

[5]

Sur Stanisław Hozjusz, voir W. URBAN [dans:] Polski Słownik Biograficzny {Dictionnaire biographique polonais] 10 [1962], p. 4246, s.v. « Hozjusz Stanisław».

[6]

Sur la collection d'antiquités du Lyceum Hosianum à Braunsberg, voir A. GREIFENHAGEN, « Antiken in Braunsberg », Arch. Anz. 1933, col. 419454, phot. 131; J. KOLENDO, « Antyk w Lyceum Hosianum w Braniewie oraz zgromadzone w nim zbiory zabytków archeologicznych i epigraficznych » [« Les études classiques au Lyceum Hosianum à Braniewo et sa collection archéologique et épigraphique »], [dans:] J. KOLENDO, W. Nowakowski (ed.) Antiquitates Prussiae. Studia z archeologii dawnych ziem pruskich [Antiquitates Prussiae. Études sur l'archéologie des anciens territoires de la Prusse], Warszawa 2000, p. 4566; A. ŁAJTAR, «Zbiór inskrypcji greckich Lyceum Hosianum w Braniewie: pochodzenie inskrypcji, sposoby i etapy ich gromadzenia » [« Collection des inscriptions grecques du Lyceum Hosianum à Braniewo: provenance des inscriptions, méthodes et étapes de leur acquisition »], [dans:] Antiquitates Prussiae, p. 6788.

[7]

La liste des monuments portant l'inscription « Beihilfe der Provinz » figure dans Annexe II, p. 337.

[8]

La liste de ces inscriptions se trouve dans Annexe I, p. 333-336.

[9]

R. WOŁĄGIEWICZ, « Dzieje szczecińskiej kolekcji greckiej sztuki antycznej», [«Histoire de la collection d'art antique à Szczecin»], Przegląd zachodniopomorski 3 (32) (1988), p. 461-479.

[10]

T. JAKIMOWICZ, « Od kolekcji curiosités artistiques ku muzeum. Zbieractwo artystyczne Izabeli z Czartoryskich Działyńskiej w latach 1852-1899 » [« De la collection de curiosités artistiques au musée. L'acquisition des objets d'art par Izabela Działyńska, née Czartoryska, dans les années 18521899 »], Studia Muzealne 13 (1982), p. 1573.

[11]

Cf. O. MASSON, Les inscriptions chypriotes syllabiques, Paris 1961, nos. 102, 103, 104, 105, 106, 119, 120, 126 avec addenda et corrigenda dans la deuxième édition, Paris 1983; A. TWARDECKI, « Kolekcja inskrypcji cyprosylabicznych z Gołuchowa » [« La collection des inscriptions en chypriote syllabique à Gołuchów »], [dans:] Materiały z sesji poświęconej trzydziestoleciu działalności Polskiej Misji Archeologicznej w Nea Paphos na Cyprze (27-28 III 1995) [Actes de la conférence organisée à l'occasion du 30e anniversaire de la Mission archéologique polonaise à Néa Paphos en Chypre (27-28 III 1995)], Warszawa 1998, p. 169-179

[12]

W. Froehner, Collection du Château de Gołuchów. Antiquités: objets égyptiens, vases peints (supplément), terres cuites, verreries, bronzes, poids antiques, ivoires et os, marbres, antiquités de Carthage, Paris 1899.

[13]

Ce qui leur a épargné le sort du reste des pierres inscrites c'était le fait qu'elles étaient encastrées dans un mur dans la cour du château.

[14]

Sur Edward Raczyński (1786-1845), un des personnages les plus intéressants et les plus tragiques de l'histoire polonaise du XIXe siècle, voir en dernier lieu Bogumiła KOSMANOWA, Edward Raczyński - człowiek i dzieło [Edward Raczyński - l'homme et son œuvre], Bydgoszcz 1997 et W. MOLIK, Edward Raczyński 1786-1845, Poznań 1999.

[15]

Il existe un récit imprimé de ce voyage: Edward RACZYŃSKI, Dziennik podróży do Turcji odbytej w roku 1814, Wrocław 1821; version allemande: Wrocław 1824.

[16]

La preuve la plus éloquente des intérêts classiques d'Edward Raczyński fut la construction à Rogalin d'une chapelle familiale dont l'architecture s'inspirait directement de celle de la Maison Carrée de Nîmes. Plus tard, Raczyński rédigeait la série « Biblioteka Pisarzów Antycznych » (« Bibliothèque des Auteurs Anciens ») pour laquelle il assurait lui-même des traductions.

[17]

Sur la collection d'antiquités de Mieczysław Geniusz, voir A. MAJEWSKA, « Wątek egiptologiczny w życiorysie Mieczysława Geniusza» [«Un motif égyptologique dans la vie de Mieczysław Geniusz »], Światowit 1 (42), 1999, p. 77-83.

[18]

Sur ce dépôt cf. M.L. BERNHARD, Sztuka starożytna z Muzeum Luwru. Muzeum Narodowe w Warszawie. Galeria Sztuki Satrożytnej [L'art antique du Musée du Louvre. Musée National de Varsovie, Département de l'Art antique], Warszawa 1960.

[19]

Sur les résultats des fouilles du site de Tell Atrib, voir Barbara Ruszczyc, «Tell Atrib» [dans:] 50 lat polskich wykopalisk w Egipcie i na Bliskim Wschodzie, Warszawa 1986, p. 23-28. Les rapports des fouilles plus récentes ont été publiés dans la revue Polish Archaeology in the Mediterranean.

[20]

La littérature relative aux fouilles polonaises à Faras est très abondante. Nous renvoyons le lecteur à l'article de synthèse: K. MICHAŁOWSKI, « Faras, Seventeen Years after the Discovery » [dans:] F. HINTZE (éd.) Africa in Antiquity. The Arts of Ancient Nubia and the Sudan. Proceedings of the Symposium Held in Conjunction with the Exhibition, Brooklyn, September 29 - October 1, 1978 [= Meroitica 5], Berlin 1979, p. 31-39.

[21]

Nous ne tenons compte ni des textes de légendes qui accompagnent les peintures ni d'autres inscriptions sur crépi, très nombreuses dans la collection du Musée National de Varsovie. Ces inscriptions furent étudiées par S. JAKOBIELSKI [dans:] K. MICHAłOWSKI, Faras. Wall Paintings in the Collection of the National Museum in Warsaw, Warsaw 1974, p. 278-309.

[22]

Sur les fouilles du Vieux Dongola, voir S. Jakobielski, « Dongola - dzieje, archeologia, znaczenie » (« Dongola - histoire, archéologie, intérêt scientifique ») [dans:] Od Nilu do Eufratu. Polska Archeologia Śródziemnomorska 1981-1994 [Du Nil à l'Euphrate. L'archéologie méditerranéenne polonaise 19811994], Warszawa 1995, p. 7687; idem, « 35 Years of Polish Excavations at Old Dongola. A Factifile » [dans:] S. JAKOBIELSKI, P. O. SCHOLZ (ed.), DongolaStudien. 35 Jahre polnischer Forschungen im Zentrum des makuritischen Reiches [= Bibliotheca nubica et æthiopica 7], Warszawa 2001, p. 148. Les résultats des travaux récents de la mission polonaise sont régulièrement publiés dans la revue Polish Archaeology in the Mediterranean.