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3. ÉPITAPHE DE DOXA

Département de l'Art antique, inv. 198829

D'après Wiegand, la pierre fut trouvée à Maidos (Maito), ancienne Madytos, dans la Chersonèse de Thrace. Le monument entre dans la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg avant 1904 (no. inv. 905). Depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Marbre blanc à teinte bleuâtre. Stèle à fronton avec acrotères en forme de petites boucles; h. 54,5 cm, l. 36 cm, ép. 6 cm; conservée intacte, mis à part quelques ébréchures sur les arêtes. Dans une profonde niche rectangulaire le buste d'une fillette avec un oiseau posé sur l'épaule droite. L'inscription gravée au-dessous du relief. Lettres carrées, apices, ligature NE à la l. 4, points de séparation dans le fragment en prose, point indiquant l'abréviation dans le mot dou=lžoiŸ; dans la partie en vers, le pentamètre en retrait par rapport à l'hexamètre. Trois formes d'alpha: à barre médiane horizontale, à barre brisée et avec un arceau convexe; dans le kappa, les traits obliques courts, dans la plupart des cas, les traits latéraux du mu sont obliques. H. des lettres dans la partie métrique env. 1 cm, dans la partie en prose env. 2 cm; h. moyenne d'interligne: 0,5 cm.

D'après la pierre (?) qui se trouvait déjà à Braunsberg au moment de la publication, Th. Wiegand, AM 29 (1904), p. 313-314 (Cagnat, IGR IV 235, avec erreur sur la provenance: Kebsud en Mysie). D'après la pierre à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 7, no. 7 (Peek, Gr. Vers-Inschr., p. 364-365, no. 1237; Peek, Gr. Grabgedichte, no. 319, p. 188: texte grec, 189: traduction allemande, sans fragment final en prose; H. Raffeiner, Sklaven und Freigelassene. Eine soziologische Studie auf der Grundlage des griechischen Grabepigramms, Innsbruck 1977,

p. 76-78, no. 51; Pfuhl-Möbius, Grabreliefs II, p. 523, no. 2191). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, A. Sadurska, RMNW 4 (1959), p. 186-189, no. 4, fig. 4: en polonais avec résumé en russe et en français. D'après la pierre, accompagné d'un commentaire archéologique détaillé, A. Sadurska, CSIR-Pologne I, p. 52-53, no. 54, pl. 43 (J. Krauss, I.K. 19 [Sestos und thrakische Chersones], 58).

Cf. Th. Wiegand, AM 30 (1905), p. 330 (d'après l'information de W. Weißbrodt rectifie sa lecture des lignes 1 et 5 dans AM 29 (1904). C. Dewischeit, Archiv für Stenographie 56 (1905), p. 238 (sur nota/rioj). L. Robert, Rev. Phil. 8 (60) (1934), p. 276 = Op. Min. II, p. 1175 (sur le terme nota/rioj; correction de l'erreur contenue dans IGR IV 235 sur la provenance de la stèle: Madytos et non Kebsud en Mysie). L. Robert, Gnomon 31 1959, p. 14 (sur la publication de Peek, Gr. Vers-Inschr.; signale que l'inscription est conservée au Musée National de Varsovie). G. Boulvert, Esclaves et affranchis impériaux sous le haut empire romain. Rôle politique et administratif, Napoli 1970, p. 119, avec note 164 (sur le terme Kai/saroj dou=loi; d'après IGR IV 235, l'auteur reprend la provenance erronée: Kebsud). J. et L. Robert, Bull. épigr. 1972, 279a (sur la publication d'A. Sadurska, CSIR-Pologne I, p. 52-53, no. 54). P. R. C. Weaver, Familia Caesaris. A Social Study of the Emperor's Freedmen and Slaves, Cambridge 1972, p. 118 (sur la famille de Satorninos et Kalé). H. Boge, Griechische Tachygraphie und Tironische Noten, Berlin 1973, p. 88 (sur le terme nota/rioj). H. J. Mason, Greek Terms for Roman Institutions, Toronto 1974, p. 70, s.v. nota/rioj (avec la date incorrecte: IV siècle). H. C. Teitler, Notarii et exceptores, Amsterdam 1985, p. 39, 165, 303 (sur nota/rioj). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 152, no. 3 (bibliographie).

100-120 ap. J.-C. d'après le style du relief (Sadurska).

 

Moi=ran e)mh\n da/kruson a)mi/lixon, w)= parodi=t \a,

to/nde ga\r h( tunnh\ Do/ca ka/timi ta/fon,

a)lgu/nousa tokh=oj e)gw\ ke/ar h)de\ se/, mh=ter,

4 to/sson, o(/son xari/twn ei)=xon e)n a)mfote/roij.

h( ga\r e)mou\j ai)w=naj e)popteu/sasa xelidw/n

to\ tri/ton h( cei/nh mu/rat' a)poixome/nhn.

a)nti\ de/ moi tou/touj e)te/wn po/re mh=naj a)me/trw \n /

8 tou=to de\ kai\ gh=raj nh/sato/ moi La/xesij

e)lpi/da kai/ moi pa=san e)nhlla/canto tokh=ej

katqe/menoi tu/mb%xersi\n e($=si ne/kun.

a)lla/, pa/ter, lei/pw, kai\ soi/, polu/dakru tekou=sa,

12 e)lpi/daj u(mete/raj )/Ai+di parqeme/nh.

vacat

Satorni=noj nota/rioj kai\

Kalh/, Kai/saroj dou=lžoiŸ, šDo/

c$ ši)di/# qugatri\ šmnh/mhj xa/-

16 rin.

 

1. lire a)mei/lixon || 2. lire ka/teimi

Pleure mon sort cruel, ô passant. Car celle qui descend dans ce tombeau c'est moi, petite Doxa, portant au coeur de mon père et à toi, ma mère, autant de souffrance que j'avais obtenu de joies de vous deux. En effet l'hirondelle, l'étrangère, qui avait observé mes années, étant revenue pour la troisième fois, pleura sur moi, qui étais disparue. Au lieu d'innombrables années Lachésis me donna ces quelques mois, ce fut toute ma vieillesse qu'elle avait filée. Les parents ont perdu tous leurs espoirs en ensevelissant la dépouille de leurs propres mains. Père, je laisse à toi et aussi à toi, mère, une immensité de larmes, ayant emporté vos espoirs à Hadès. Satorninos notarios et Kalè, esclaves impériaux, à Doxa, leur fille, en souvenir.

Ornée d'un buste en relief au fond d'une niche rectangulaire, la stèle de Doxa manifeste de fortes similitudes formelles avec le monument funéraire d'un jeune garçon nommé Eucarpos, conservé au Rijksmuseum à Leyde, daté du Ie s. ap. J.-C.; cf. H. W. Pleket, The Greek Inscriptions in the Rijksmuseum van Oudheden at Leyden, Leiden 1958, p. 4-10, no. 4, pl. I 4; Pfuhl-Möbius, Grabreliefs II, p. 521, no. 2175, pl. 311; F. L. Bastet, H. Brunsting, Corpus Signorum Classicorum Musei Antiquarii Lugduno-Batavi, Zutphen 1982, no. 172. D'après la fiche d'inventaire, la stèle du Rijksmuseum de Leyde aurait été découverte aux environs de Hissarlik (Ilion). Tandis que L. Robert, Hellenica XI-XII [1960], p. 220-226, s'appuyant sur de nombreuses prémisses, serait enclin à localiser la trouvaille dans la région de Skepsis-Lampsakos, dans le nord-ouest mysien. Séparés par le détroit des Dardanelles, Madytos dans la Chersonèse de Thrace, d'où vient la stèle de Doxa, et la région de Lampsakos entretenaient de vifs échanges dans l'Antiquité (à ce sujet, voir L. Robert, Monnaies grecques, p. 98; idem, Monnaies antiques en Troade, p. 105-106), ce qui laisse supposer que les deux stèles, celle de Varsovie et celle de Leyde, sont issues d'un même centre, voire d'un même atelier.

1. Sur la formule initiale de l'épigramme: moi=ran e)mh\n da/kruson a)mi/lixon, w)= parodi=ta, cf. W. Peek, Maia 20 (1968), p. 368, qui crée, avec l'épitaphe de Doxa conservée à Varsovie et les épitaphes Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 1242: da/kruson parodei=ta et Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 558: da/kruson neo/thta, un groupe distinct: «der Betrachter wird zu Mitleid oder Klage aufgefordert».

2. À notre connaissance, dans les inscriptions, le mot tunno/j (dorique pur mikro/j) n'est attesté que par cette occurrence. Il apparaît par contre dans les textes littéraires.

5. Tout comme nos contemporains, les Anciens croyaient que le retour cyclique des hirondelles à la fin de l'hiver annonçait l'arrivée du printemps et, symboli-quement, le début d'une nouvelle année. Cette croyance, présente dans la poésie grecque, à commencer par Hésiode, Op. 568, trouve sa plus belle ex-pression dans un chant populaire rhodien répété par les enfants qui, au printemps, tenant une hirondelle, faisaient du porte à porte en quête de petits dons, D. Page, Poetae Melici Graeci 848, Carm. pop. 2:

 

h)=lq', h)=lqe xelidw\n

kala\j w(/raj a)/gousa,

kalou\j e)niautou/j,

e)pi\ gaste/ra leuka/,

e)pi\ nw=ta me/laina.

 

Parmi les illustrations plastiques du motif de l'hirondelle - messagère du printemps, il faut citer la représentation sur une pélikè à figures rouges d'Euphronios de la fin du VI s. av. J.-C., découverte à Vulci, J. D. Beazley, Attic Red-figure Vase-painters II2, Oxford 1923, p. 1594, no. 48 (inscription parue déjà dans le CIG 7842). L'image représente un homme assis flanqué de deux personnages: à droite, un jeune homme debout, à gauche, un garçon. Tous les trois lèvent le regard vers les hirondelles au vol. Au-dessus de leurs têtes figurent des inscriptions:i)doo= xelido/n (jeune homme); ne\ to\n Herakle/a (homme mûr); (Hautei/ (garçon); e)/ar e)/de (homme mûr). Pour les généralités sur l'hirondelle dans la poésie et l'art grecs, voir Gossen, RE II A.1 [1921], coll. 768-777, s.v. «Schwalben und Segler».

9. La perte des espoirs liés à l'avenir de l'enfant qui est mort avant l'âge, sans avoir eu le temps d'exprimer à ses parents toute sa gratitude pour l'éducation qu'ils lui avaient assurée, constitue un thème fréquent des épitaphes métriques consacrées aux enfants; voir les remarques générales de Vérilhac, PAIDES AWROI II, § 62.

11. Le mot tekou=sa est ici un substantif: «génitrice», «mère».

[A.Ł.]


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