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7. ÉPITAPHE DE MARCEL(L)A

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 198800.

Découverte au début du XX s., avec d'autres épitaphes chrétiennes (dans le présent catalogue nos 8-12), pendant les travaux de construction dans le quartier de Pera (quartier nord de Constantinople, au nord de la Corne d'Or), à proximité de l'endroit où se trouvait l'ambassade de Russie, rue Asmali Mesdjid. Puis au Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Marbre blanc. Plaque; h. 35,5 cm, l. 33,5 cm, ép. 8 cm; le haut et le bas de la plaque brisés, le flanc gauche ébréché, lettres en partie détériorées. Au-dessus de l'inscription, traces d'un ornement (?) gravé difficile à identifier; au-dessous de l'inscription un fragment d'ornement floral. Lettres majuscules lunaires avec certaines caractéristiques d'écriture cursive, réglage, apices tracés maladroitement dans le kappa, l'upsilon et l'oméga. Les traits horizontaux de l'epsilon, de l'êta et du thêta, le trait médian du nu ainsi que les traits latéraux du delta en forme de serpentine, le mu cursif, dans l'upsilon, les traits extérieurs droits ou légèrement recourbés vers l'extérieur. H. des lettres: 1,3 - 2,5 cm.

D'après la pierre à Constantinople, Th. Wiegand, AM 33 (1908), p. 149, no. 11 (H. Grégoire, Revue de l'instruction publique en Belgique 51 [1908], p. 164). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, A. Łajtar, Epigr. Anatol. 20 (1992), p. 109-111, no. 5, pl. 8, 5 (H. W. Pleket, SEG XLII 639). D'après la pierre, A. Twardecki dans: XI Congresso Internazionale di epigrafia Greca e Latina, Roma 1999, p. 743-744.

Cf. D. Feissel, Bull. épigr. 1994, 743 (sur la publication de Łajtar dans Epigr. Anatol. 20). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 153, no. 7 (bibliographie).

IV s. ap. J.-C. (d'après la forme de l'inscription)

[X]riste/, boh/qi Dionusi/#,

th\n dou/l˙ sou:

Marke/la, quga/ter

4 D?ionusi/aj prwtogo/nat

oj, parqe/noj xrhstianh\

)?po\ mikro/qen, ge/ni Potikh/,

p??ate/r[a e]i)=xa palati=non:

8 [A]u)?i=noj )ne/st<h>s-go[us]t?

[en mn]h/mhj <x>a/rin.

[kai\ h( m]h/thr kata/kit

[e ? ? ?]k??ea.

1. lire boh/qei | Dionusi/a(n) Wiegand, Dionusi/a Twardecki [1999] || 2. lire t$= | dou/lh(n) Wiegand, dou/lh Twardecki [1999] || 3. Marke/la(n) Wiegand, Marke/l# Łajtar [1992]; lire Marke/lla | qugate/r(a) Wiegand, Twardecki [1999]; lire quga/thr || 5. xristianh/ Łajtar [1992], Twardecki [1999], lire xristianh/; Wiegand met une virgule après parqe/noj xristianh/ || 6. geni(me/nh) potikh/ (so) Wiegand, Twardecki [1999]; lire ge/nei Pontikh/ || 7. pate/ra . . IXA Wiegand, pate/ra [ . . ]IXA Twardecki [1999], pate/r? [ . . ]IXA Łajtar [1992], pate/ra (e)i)=xa Grégoire || 8. . GO . . . . GNOS Wiegand, Twardecki [1999] | )ne/ste Wiegand || 9. LARIN pierre || 10. mh/thr Wiegand, [¶nqa kai\ h(] mh/thr suppl. Grégoire || 11. manque chez Wiegand

O Christ, réconforte ta servante Dionysia. Marcel(l)a, fille première-née de Dionysia, vierge chrétienne dès son enfance, Pontique d'origine, j'avais un père palatin. Augustinos a érigé en souvenir. Aussi (sa) mère [...]kéa (?) repose (ici).

Sur la situation topographique de la nécropole mise au jour fortuitement au début du XX siècle dans le quartier de Pera d'où viennent les inscriptions nos 7-12, cf. W. Müller-Wiener, Bildlexicon zur Topographie Istanbuls. Byzantion-Konstantinoupolis-Istanbul bis zum Beginn des 17. Jahrhunderts, Tübingen 1977, p. 220-222.

La lecture et l'interprétation de cette inscription, incorrecte au point de vue orthographique, ne sont pas évidentes. Pour l'essentiel, nous suivons ici la proposition de D. Feissel, Bull. épigr. 1994, 743. Les deux premières lignes se rapportent à la mère de la défunte dont le nom (Dionysia) et le qualificatif (dou/lh) sont au datif qui est régi par [X]riste/, boh/qi. La formule Xriste/, boh/qei indique que Dionysia vivait encore au moment d'érection de l'épitaphe pour sa fille. Les lignes 3-7 se rapportent à la défunte Marcel(l)a qui s'exprime ici à la première personne (e]i)=xa). Dans les lignes 8-9, le sujet de la phrase, un certain Augustinos, est très vraisemblablement le père de Marcel(l)a et l'époux de Dionysia, responsable de l'érection de la stèle inscrite. Dans la partie finale du texte, il est question d'une mère défunte qui peut être soit celle d'Augustinos soit celle de Dionysia.

 w= thn» (pour t$=) est très vraisemblablement un simple phénomène phonétique (apparition d'une nasale non étymologique à la fin de la syllabe; cf. Brixhe, Essai, p. 34-35) et non pas syntaxique (accusatif pour datif).

La graphie quga/ter (pour quga/thr) est un signe de la prononciation fermée de /e/. Le phénomène est bien attesté pour la Thrace et le Pont; cf. Brixhe, Essai, p. 53-54 et 109-110; cf. aussi 26, l. 2: kata/kith.

4-5.         prwtogo/natoj est un hapax pour prwto/gonoj, prwtoge/nnhtoj.

5-6.         Le mot mikro/qen est très rare. En dehors de la présente inscription, il n'a été enregistré que dans le P. Oxy. IX 1216 (II/III s. ap. J.-C.): afigw\ eÎxomai )ei\ pa=sei toi=j qeoi=j peri\ sou= kai\ )po\ mikro/qen su\ oi)=da/j mou th\n proai/resin kín mh\ soi gra/fw.

La défunte Marcel(l)a fut consacrée à Dieu dès sa naissance, elle était donc une vierge canonique. Sur les vierges canoniques dans l'église des premiers siècles, voir Susanna Elm, ‘Virgins of God'. The Making of Ascetism in late Antiquity, Oxford 1994, particulièrement chapitre 5 « Parthenoi, Widows, Deaco-nesses: Continuing Variety », p. 137-183.

Sur l'expression ge/nei + ethnique, qui connaît de nombreuses formes parallèles attestées dans les inscriptions datant surtout de l'époque impériale, mais aussi dans celles de l' Antiquité tardive, cf. bibliographie recueillie par L. Robert, Rev. Phil. 33 (85) (1959), p. 183, avec note 10 = Op. Min. V, p. 213; idem, Hellenica XI-XII [1960], p. 393, avec note 6; idem, Noms indigènes, p. 39, avec note 3; idem dans: Charisterion Orlandos I, Athènes 1965, p. 335, note 2, où l'on cite un texte très proche de notre inscription, E. Schwartz, Kyrillos von Skythopolis [= Texte und Untersuchungen zur Geschichte der Altchristlichen Literatur 49.2], Leipzig 1939, p. 245, 17-18: )Iwa/nnhn kai\ Grhgo/rion ... Pontikou\j ˆntaj t" ge/nei. Potikh/ à la place de Pontikh/ est une erreur banale commise soit par le rédacteur de l'inscription soit par le lapicide. Elle se laisse facilement expliquer, car dans les suites de lettres -nd-, -nq-, -nt-, le « n » disparaît très souvent; cf. Brixhe, Essai, p. 34; Gignac, Grammar I, p. 116.

7.             Sur ei)=xa, imparfait formé sur le modèle de l'aoriste premier, voir les données papyrologiques d'Égypte recueillies par Gignac, Grammar II, p. 332. Des formes analogues se retrouvent dans certaines inscriptions d'Asie Mineure; cf. p.ex. G. Petzl, Die Beichtinschriften Westkleinasiens [= Epigr. Anatol. 22 (1994], p. 11-12, no. 6, l. 14.

Sur les palatins cf. W. Ensslin dans: RE XVIII 2 [1942], col. 2535-2560, s.v. « Palatini ». Le terme « palatin » désigne d'une manière générale tous ceux qui revêtent une charge dans un palais, qu'il s'agisse d'un office civil (scriniarii, agentes in rebus, silentiarii) ou militaire. Dans un sens plus étroit, le mot « palatin » était employé à partir du milieu du IV s. pour désigner un employé du bureau des comes sacrum largitionum et comes rei privatae. À l'image des membres de toutes les militiae, les palatins portaient une tenue militaire dont le principal élément était la chlamyde à ceinturon (cingulum), ils étaient rémunérés en nature et ne pouvaient pas changer d'affectation sans autorisation impériale (Cod. Théod. 6, 30, 5 et 12). Les mentions épigraphiques de palatini ne sont pas fréquentes. De rares attestations sont recueillies dans: Feissel, Recueil Macédoine, no. 151 (commentaire).

11. E.g. [Glu]ke/a.

 [A.Ł.]


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