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  23. INSCRIPTION HONORIFIQUE DE L. (?) ABURNIUS [  ] ÉRIGÉE PAR L. ABURNIUS TORQUATUS

Département de l'Art antique, inv. 198846.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Vue et estampée par Th. Wiegand, probablement sur le marché des antiquités en Turquie (à Constantinople?). Achetée pour la collection du Lyceum Hosianum de Braunsberg avant 1910 (no. d'inv. 1065), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. Dans l'editio princeps, sans doute d'après une information de Wiegand obtenue du vendeur, A. von Premerstein indique comme provenance Alabanda en Carie. L. et J. Robert ont cependant prouvé que selon toute vraisemblance l'inscription était originaire d' Héraclée de la Salbakè (pour plus de détails, voir infra).

Marbre blanc. Dalle; h. 60 cm, l. 51 cm, ép. 7,5 cm; quatre fragments recollés; manque le bas de la plaque; ébréchures sur les bords; marques d'éclats dans la partie centrale; surface du marbre corrodée. Lettres carrées, régulières, avec de très larges apices; ligatures MH, HM. Alpha à barre brisée, la barre médiane dans l'êta et le thêta est très courte et ne touche pas aux traits latéraux, les hastes du rhô, du phi et du psi dépassent les limites supérieure et inférieure des autres lettres, la panse du rhô rejoint le trait vertical au-dessous de son extrémité, l'oméga en forme d'arceau dont les extrémités se replient vers l'intérieur avec, au-dessous, deux traits horizontaux très courts. H. des lettres: 1,3 - 2,5 cm, h. moyenne d'interligne: 1,1cm.

D'après la copie et l'estampage de Th. Wiegand et la photographie procurée par W. Weißbrodt, avec provenance: Alabanda, A. von Premerstein, « Die Offizierslaufbahn eines kleinasiatischen Ritters », ÖJh 13 (1910), p. 200-209 (Cagnat-Besnier, AE 1911, no. 161; H. Dessau, ILS III 2, no. 9471; L. et J. Robert, La Carie II, Paris 1955, p. 180-181, no. 78, et p. 224-225, avec suggestion de provenance: Héraclée de la Salbakè; M. E. Smallwood, Documents Illustrating the Principates of Nerva, Trajan and Hadrian, Cambridge 1966, p. 89, no. 243). D'après la pierre, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 16-18, no. 14

Cf. R. Paribeni, Optimus Princeps II, Messina 1927, p. 289 (sur le procurator annonae). A. Stein, PIR2 I 20 (sur la personne honorée dans notre inscription). J. Guey, Essai sur la guerre parthique de Trajan (114-117), Bucarest 1937, p. 114 (sur la fonction de procurator annonae). F. A. Lepper, Trajan's Parthian War, London 1948, p. 153 et 174-175. J. et L. Robert, Bull. épigr. 1955, 199 (sur L. et J. Robert, La Carie II). AE 1955, 276 (sur L. et J. Robert, La Carie II). E. Birley, Roman Bitain and the Roman Army. Collected Papers, Kendal 1961, p. 164 (sur la famille Aburnii). H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres sous le haut-empire romain I, Paris 1960, p. (sur la fonction de curator annonae bello Parthico ripae Euphratis). E. Birley, dans: Corolla memoriae Erich Swoboda dedicata, Graz-Köln 1966, p. 62 = E. Birley, The Roman Army Papers 1929-1986, Amsterdam 1988, p. 357 (sur la carrière de L. Aburnius Torquatus). W. Kunkel, Herkunft und soziale Stellung der römischen Juristen2, Graz-Wien-Köln 1967, p. 152 (sur la famille Aburnii). A. von Domaszewski, Die Rangordnung des römischen Heeres2 (additions par B. Dobson), Graz 1967, au no. de l'IGLSyr 9471, p. 284 (reproduction partielle du texte). H. Devijver, Prosopographia Militiarum Equestrium quae fuerunt ab Augusto ad Gallienum I, Leuven 1976, p. 46-47, A 4 (L. Aburnius Torquatus), p. 47-48, A 5 (L. Aburnius Tuscianus) (cf. J. et L. Robert, Bull. épigr. 1977, 114; cf. aussi H. Devijver, Prosopographia ... IV, Supplementum, Leuven 1987, p. 1049, A 4, A 5). Valerie A. Maxfield, The Military Decorations of the Roman Army, London 1981, p. 168-169 (sur les dona obtenus par L. Aburnius Tuscianus). H. Devijver, dans: The Defence of the Roman and Byzantine East, Proceedings of a Colloquium held at the University of Sheffield in April 1986 [= BAR International Series 297], Oxford 1986, p. 117, 137 = H. Devijver, The Equestrian Officers of the Roman Imperial Army, Amsterdam 1989, p. 281, 301. D. F. Graf, dans: The Roman and Byzantine Army in the East. Proceedings of a Colloquium held at the Jagiellonian University, Kraków, in September 1992, Kraków 1994, p. 297-301 (les Aburnii comme officiers des cohortes Ulpiae Petraeorum). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 155, no. 26 (bibliographie).

117 - env. 150 ap. J.-C. (après la mort de Trajan qui fut nommé yeÒw, du vivant de l'homme qui termina sa carrière militaire en 117 ap. J.-C.)

[L(ouki/ƒ) )Ab]o??enw. 15 e)pa/r]-

urni/[%[xƒ] tw=n e)pi\ ÑRw/mhj t[ex]nitw=n, xe[ilia/r]-xwi legiw=noj tri/thj??

Sebasth=j, [e)pa/r]-4 x%spi/rhj tri/thj Sebasth=j Qr#k?

[w=n]

fl?

ppikh=j, e)pa/rx%spi/rhj tri/thj Qr#kw=[n]

Suriakh=j flppikh=j, e)pimelht$= spi/rh[j]

prw/thj Ou)lpi/aj [P]etrai/wn, e)pimelh?

8              t$= eu)qhni/aj e)n t" pole/m%t" Parqik["]

th=j ˆxqhj tou= Eu)fra/tou, xilia/rx%le

giw=noj ßkthj sidhra=j, kai\ dedwrhm[e/]

n%u(po\ tou= au)tokra/toroj Kai/saroj q[e]

12ou= Ne/roua Traianou= Seb(astou=) e( Germanik(ou=) e( Dak(ikou=) e( Parqik(ou=) e( shmiafo/rƒ, do/rati, stefa/n%xrus["] [t]ixik", e)pa/rx%e‡lhj prw/thj Ou)lpi/aj si[g]-[g]lari/wn, genome/n%de\ kai\ e)gdi/k%u(pe\r

16th=j patri/doj peri\ th=j tw=n o(/rwn )poka-?tasta/sewj, ¶xont[i] de\ kai\ chfi/smatamarturhtika\ kai\ te[i]mhtika\ para\ pollw=[n]e)parxeiw=n, L(ou/kioj) e( )Abou/rnioj, )Abourni/ou Tous-

20            kianou= uflo/j, Torkoua=toj ¶parxoj spei/

rhj deute/raj ÑIspa?

[n]h=j flppikh=j polei[tw=n] [ÑR]wmai/wn, xili/arxoj s[p]ei/rhj tri/thj O?

[u)l][pi/]aj Petrai/??

wn . . [ . ] . [ - - - ] . . . . . . [ - - - ] 24 [ . . ] . . . . [ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ]

1. )A]bourn[i/%von Premerstein, Weißbrodt || 1-2. e)pa/r|x]%von Premerstein, Weißbrodt || 3. [S]ebasth=j von Premerstein, Weißbrodt || 3-4. e)p[a/r]|x%von Premerstein, Weiß-brodt || 4. Qr#kw=[n von Premerstein, Weißbrodt || 7-8. e)pimel[h]|t$= von Premerstein, Weißbrodt || 14. lire teixik" || 22-23. Ou)l|[pi/]aj von Premerstein, Weißbrodt || 23-24. Petra[i/w]n, [¶parxoj e‡lh]j p[oleitw=n | ÑRwm]a[i/wn von Premerstein,Weißbrodt

À [ Lucius ?] Aburnius [cognomen] préfet des artisans de Rome, tribun de la Légion III Augustéenne, préfet de la cohorte III Augustéenne Thrace de cavalerie, préfet de la cohorte III Syrienne Thrace de cavalerie, curateur de la cohorte I Ulpienne Petraeorum, curateur à l'approvisionnement pendant la guerre parthe sur les rives de l'Euphrate, tribun de la Légion VI Ferrata, honoré par l'Empereur César divin Nerva Trajan Auguste Germanique, Dace, Parthe d'un étendard, d'une haste, d'une couronne de murs en or, préfet de l'ala I Ulpienne de singularii, qui représentait les intérêts de la patrie comme arbitre dans les procès de restitution de frontières, à qui de nombreuses provinces ont rendu hommage en faisant voter des décrets de témoignage et des décrets honorifiques (ce monument a été érigé par) Lucius Aburnius Torquatus, fils de Aburnius Tuscianus, préfet de la cohorte II Hispanorum de cavalerie de citoyens romains, tribun de la cohorte III Ulpienne Petraeorum [ - - - }.

Si l'inscription fut publiée par A. von Premerstein comme provenant d'Alabanda en Carie, c'est sans doute à cause de l'information fournie par le vendeur. Après la découverte à Claros d'une inscription qui mentionne L. Aburnius Tuscianus parmi d'autres citoyens d' Héraclée de la Salbakè venus solliciter l'oracle d'Apollon, L. et J. Robert, La Carie II, p. 180, ont attribué le monument à Héraclée de la Salbakè.

La famille Aburnii de Héraclée de la Salbakè était sans doute issue de commerçants italiques installés dans cette région de l'Asie depuis le début du Ir s. av. J.-C.; pour les généralités sur les colonies des gens d'Italie dans l'Asie Mineure voir B. Levick, Roman Colonies in Southern Asia Minor, Oxford 1967, passim (outre les Aburnii, les sources épigraphiques attestent aussi la famille Statilii à Héraclée). À côté de L. Aburnius Tuscianus et de L. Aburnius Torquatus, deux autres membres de cette famille sont attestés par les textes épigraphiques: Gaius Aburnius Eutychianus chargé au II s. de deux grandes fonctions dans la cité, celles de prytane et de stéphanéphore (J. et L. Robert, La Carie II, p. 173, no. 66), et Lucius Aburnius Severus, connu par le diplôme militaire CIL XVI 178 = AE 1947, 135 (Pannonia Superior, II s. ap. J.-C.) comme praefectus alae I Hispanorum Arvacorum.

Nous ignorons la raison pour laquelle cette inscription honorifique fut érigée. Il semble cependant qu'il s'agit d'une inscription funéraire et les honneurs exprimés sont des honneurs posthumes.

Puisqu'il n'existe qu'un fragment du nomen de la personne honorée, à la l. 1: )Ab]o??[ƒ, il est impossible de l'identifier avec certitude. L'hypothèse urni/ répandue dans la littérature récente selon laquelle il s'agirait du père du dédicant, L. Aburnius Tuscianus, paraît séduisante et très probable.

Sur la carrière militaire de la personne honorée (L. Aburnius Tuscianus?) et sur celle du dédicant (L. Aburnius Torquatus), cf. commentaire exhaustif de A. von Premertstein dans l'editio princeps.

1-2.Sur praefectus fabrum voir B. Dobson, « The Praefectus Fabrum in the Early Principate » dans: B. Dobson, M. G. Jarett (ed.), Britain and Rome: Studies in Honour of E. Birley on His Sixtieth Birthday, Kendal 1966, p. 61-84; N. Purcell, Pap. Brit. School Rome 51 (1983, p. 125-173; R. Sablayrolles, « Les praefecti fabrum de Narbonnaise », Rev. Archéol. de Narbonnaise 17 (1984, p. 239-247. Sous l'Empire, le praefectus fabrum pouvait remplir la fonction d'ambassadeur, assister le questeur ou remplir différentes autres missions qui lui étaient confiées. Mais il pouvait aussi bien s'agir d'un titre honorifique sans aucune charge spéciale.

13-14.Pour les généralités sur les dona militaires obtenus par l'honoré, voir Valerie A. Maxfield, The Military Decorations of the Roman Army, London 1981, p. 167-169. Ce sont: vexillum [= shmiafo/roj], hasta (pura) [= do/ru] et corona aurea vel-laris [= ste/fanoj xrusou=j teixiko/j]. Quant à ce dernier donum, Maxfield, op. cit., p. 168, envisage l'hypothèse de deux couronnes (corona vellaris et corona aurea) et non pas d'une seule. Comme argument en faveur de cette hypothèse elle évoque le fait qu'en dehors de l'inscription ici étudiée aucune autre source ne définit le matériau dont la corona vellaris était faite. A. von Premerstein fait remarquer que le terme grec shmiafo/roj pour le vexillum latin n'apparaît que dans cette unique inscription; en effet, habituellement on utilisait le mot shmei=on ou la transcription grecque du mot latin ou)h/jilloj. L'unicité de ce mot semble indiquer qu'il s'agit là d'une erreur du rédacteur de l'inscription (ou du lapicide) influencé peut-être par le terme grec pour le vexillifer latin.

15-16.Sur le « rétablissement des frontières » ()pokata/stasij tw=n o(/rwn) voir le commentaire de L. et J. Robert, La Carie II, p. 224-225. Les auteurs voient un rapport entre cet épisode de l'activité civile de la personne honorée et la refondation de la ville par Trajan (comme Ulpia Herakleia), fait suivi d'inévitables différends avec les voisins en matière de délimitation du territoire. À notre connaissance, l'expression )pokata/stasij tw=n o(/rwn n'apparaît nulle part ailleurs.

16-17.L'expression ch/fismata marturhtika/ ne figure que dans cette inscription. Toutefois, la pratique d'attribution de «témoignages» à diverses personnes en signe d'estime et de reconnaissance est très bien attestée par des inscriptions de l'époque impériale, cf. bibliographie recueillie par A. Wilhelm dans: Anatolian Studies Presented to Sir W. M. Ramsay, London 1923, p. 423; L. Robert, Hellenica III [1946], p. 22-23; idem, Hellenica XI-XII [1960], p. 207, avec note 5; C. P. Jones, Chiron 12 (1982), p. 137, à laquelle on peut ajouter des exemples recensés dans les inscriptions publiées plus récemment: SEG XXXII 1202 (inscription concernant une personne originaire de Smyrne, trouvée à Aphrodisias, 98 ou 100 ap. J.-C.), ll. 4-5: Tibe/rion )Iouliano\n )/Attalon ... ma/lista marturou/menon u(po\ th=j fidi/aj patri/doj; SEG XXXII 1243 (Kyme, 2 av./2 ap. J.-C., inscription en dialecte éolien), l. 10: u(po\ tw= da/mw kat to\ pa/reon memartu/rhtai; ll. 27-28: marturh/menon to\ filo/storgon efij to\n pate/ra kai\ damosi/%cafi/smati pro\j to\n a‡wna; SEG XLI 1359 (Balboura en Lycie, après 212 ap. J.-C.): ma?r?turhqe/nt<a> u(po\ th=j flera=j <sk>hn[i]kh=j suno/dou polla/kij kai\ u(po\ th=j lampro[t]a/thj Sidhtw=n po/lewj; SEG XLI 1360, ll. 2-7 (Balboura en Lycie, après 220 ap. J.-C.): e)pime]lhsa/menon kai\ tw=n dhmo-si/wn ¶rgwn e)k tw=n fidi/wn kaqw\j e)marturh/qh kai\ u(po\ tou= )jiologwta/tou logistou= M(a/rkou) Au)r(hli/ou) Dionusi/ou di/j.

22-23.Proposée par le premier éditeur, A. von Premerstein, et acceptée par ses suc-cesseurs, la lecture des lignes 22-23 (voir apparat) paraît impossible pour deux raisons. Premièrement, civium Romanorum, politw=n ÑRwmai/wn, ne peut en aucun cas être le nom de l'ala mais, tout au plus, son surnom qui, en tant que tel, ne peut pas être placé en position initiale mais bien à la fin; cf. supra, ll. 19-

21: ¶parxoj spei/rhj deute/raj ÑIspa?[n]h=j flppikh=j polei[tw=n] [ÑR]wmai/wn. Deuxièmement, la lecture de von Premerstein est difficile à accepter du point de vue paléographique. Après PETRAIVN les lettres ne sont conservées que dans leur partie supérieure et se présentent comme suit: un trait vertical puis, à côté, un autre trait vertical, après un espace un peu plus grand, un apex horizontal, absence d'une lettre, un apex horizontal placé très haut suggérant une des lettres suivantes: rhô, phi, ou psi. Cette description permet de voir clairement que la première lettre du mot succédant à Petrai/wn est un iota, la deuxième peut être un êta ou un kappa ou encore une autre lettre comportant un trait vertical à gauche. Malheureusement, à partir des fragments disponibles nous ne pouvons reconstituer aucun mot. Peut-être faudrait-il y voir le mot fl???p[p]i[kh=j], soit la suite du nom de la cohorte, lequel prendrait la forme suivante: cohors III Ulpia Petraeorum miliaria equitata sagittariorum?

 [A.Ł.]


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