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28. INSCRIPTION HISTORIQUE RAPPELANT LA CONSTRUCTION DE L'AQUEDUC SAINT-SOCRATE

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 198825.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. En 1909 vue et estampée au bazar de Constantinople par Th. Wiegand. Il note que la pierre parvint à Constantinople de Zénonopolis (aujourd'hui Iznebol) en Isaurie via Konya. Avant 1911 entrée dans la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 1127), depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Marbre blanc. Plaque en forme de tabula ansata; h. 40 cm, l. 55,5 cm, ép. 3 cm; complète, constituée de trois fragments recollés. Réglage, signe d'abréviation en forme de S, croix au début du texte ainsi qu'au début et à la fin de la ligne 10, ligature « h!» à la fin de la l. 1, pi corrigé de l'omicron dans le mot prw/toij à la l. 5. Alpha à barre brisée, epsilon, sigma et oméga carrés, omicron, thêta et la panse du phi en forme de losange, les panses du bêta ne se touchent pas et la panse supérieure est plus petite que l'autre, dans le mu et le nu, les traits médians ne touchent pas aux extrémités des hastes, mêmes caractéristiques dans le xi et le zêta pour les traits horizontaux.

H. des lettres: 1,8 - 2,0 cm, h. moyenne d'interligne: 0,9.

D'après l'estampage apporté par W. Weißbrodt de Braunsberg, H. Delehaye, « L'aqueduc de S. Socrate à Zénonopolis », Anal. Boll. 30 (1911), p. 316-320 (Cagnat-Besnier, AE 1911, no. 90; V. Schultze, Altchristliche Städte und Landschaften II, Kleinasien, zweite Hälfte, Gütersloch 1928, p. 261-262). D'après la pierre vue et estampée en 1909 au bazar de Constantinople avec la notice selon laquelle le monument parvint à Constantinople de Zénonopolis en Isaurie via Konya, Th. Wiegand, AM 36 (1911), p. 296-297, no. 7 (S. Hagel, K. Tomaschitz, Repertorium der westkilikischen Inschriften [= Österreichische Akademie de Wissenschaften, Philologisch-historische Klasse, Denkschriften 265 = Ergänzungsbände zu den Tituli Asiae Minoris 22], Wien 1998, p. 398, Zenonopolis 1). D'après la pierre au Lyceum Hosianum à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 15, no. 13 (F. Halkin, Anal. Boll. 71 [1953], p. 88-89 = F. Halkin, Études d'épigraphie grecque et d'hagiographie byzantine, London 1973 [sans numérotation des pages]). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, J. Kubińska, « L'évêque Firminianos de Zénonopolis et son aqueduc», Les études classiques 62 (1994), p. 169-175 (H. W. Pleket, SEG XLIV 1222).

Cf. A. Reinach, Rev. épigr. I (1913), p. 356 (sur la publication de Wiegand dans AM 36 [1911]). D. Serruys, Anal. Boll. 30 (1911), p. 442-443 (sur l'identification de Zénonopolis qu'il situe aux environs d'Ankyra Sidera en Mysie). R. Aigrain, Orient. Christ. Periodica 13 (1947) [= Miscellanea Guillaume de Jerphanion 1], p. 26 (sur les constructions mentionnées dans l'inscription). L. Robert, Journ. Sav.  (1975), p. 172, note 97 = Op. Min. VII, p. 204 (sur l'identification de Zénonopolis et de la patrie de l'hydragogos Auxanon - Prymnessos). J. et L. Robert, Bull. épigr. 1976, 751 (sur le terme a)po/lausij et ses dérivés). )/A. )Abrame/a, BUZANTINA 13 (1985), p. 1095-1099 (sur le terme u(dragwgo/j). F. Hild, H. Hellenkamper, Kilikien und Isaurien [= Tabula Imperii Byzantini 5], Wien 1990, 1. Teil, p. 463-464 (sur Zénonopolis). R. S. Bagnall, A. Cameron, S. R. Schwartz, K. A. Worp, Consuls of the Later Roman Empire, Atlanta 1987, p. 509 (sur la date). D. Feissel, Bull. épigr. 1995, 742 (sur la publication de Kubińska). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 155, no. 29 (bibliographie).

1.02.488 - 31.08.488 (date consulaire, indiction, mention du mois de février)

€ Firminiano\j o( eu)labe/stžatojŸ h(mw=n e)pi/skožpojŸ tau/thj

th=j lamprža=jŸ Zhnwnopolitw=n po/lewj e)peskeu/<a>-

sen e)j o(loklh/rou to\ o(/lon u(dragw/gion tou= a(gi/ou

4       ma/rturoj Swkra/touj meta\ u(pati/an Fl(aoui/ou) Longi/-

nou tou= lamprotža/touŸ, i)ndžikti/wnojŸ Öia. kai\ e)/reusen prw/-

toij e)n t%= tetrasto/% su\n t%= e)cwu/dr% tou= au)tou=

a)qlofo/rou mhni\ Febrouari/ou. eu)/xesqai ou)=n oi(

8       a)polau/ontej o(/pwj te=j presbi/ej tou= a(gi/ou ma/r-

turoj a)rragh= au)to\ diafula/ttesqai e)pi\ polloi=j

€ kai\ mhki/stoij xro/noij. €

h)rga/sato de\ Au)ca/non u(dragwgo\j Prumnhsseu/j.

1. Firmiano/j Wiegand; tau/th[j] Delehaye, Cagnat-Besnier, Weißbrodt, tau/th(j) Schultze || 2-3. epeskeu[a]sen Delehaye, Cagnat-Besnier, Weißbrodt; epeskeu(a)sen Schultze, epeskeuasen Kubińska || 4. lire u(patei/an || 7. lire Febrouari/%; eu)/xesq(e) Delehaye, Cagnat-Besnier, Weißbrodt, eu)/xesqe Schultze, lire eu)/xesqe || 8. t(ai=)j presb(ei/ai)j Delehaye, Cagnat-Besnier, Schultze, tai=j presb(ei/ai)j Weißbrodt, lire tai=j presbei/aij || 9. lire au)ta/ || 11. Au)ca/n(w)n Delehaye, Cagnat-Besnier, Schultze, Weißbrodt, lire Au)ca/nwn

Firminianos, le pieux évêque de notre magnifique cité Zénonopolis, fit rénover à fond l'aqueduc du saint martyr Socrate, l'année après le consulat de Flavius Longinus, homme éminent, sous la 11 indiction. Et (l'eau) coula pour la première fois dans l'atrium et dans la fontaine dudit martyr au mois de février. Priez tous qui profitez (de ces installations) que, grâce à l'intercession du saint martyr, elles puissent fonctionner intactes pendant de longues années. Elles furent exécutées par Auxanôn, constructeur d'installations hydrauliques de Prymnessos.

1-2.Firminianos, évêque de Zénonopolis en Isaurie à la fin des années quatre-vingts du V siècle, n'est connu que par cette inscription. Kubińska, loc. cit., avance une hypothèse fort plausible selon laquelle il s'agirait du premier évêque de cette ville après sa fondation par l'empereur Zénon.

3.         Sur le terme o(lo/klhroj = « complet, entier, non mutilé, intact, en bonne santé » voir L. Robert, Hellenica X [1955], p. 97-103. Assez fréquent dans les papyrus, ce terme apparaît rarement dans les inscriptions.

3-4. À la basse Antiquité, les aqueducs portaient souvent des noms de saints. Nous connaissons par Procope, De aedif. III 7, 1 et V 9 l'aqueduc de saint Eugène à Trebizonde ainsi que l'hospice et l'aqueduc de saint Conon à Chypre.

Sur saint Socrate voir H. Delehaye, Anal. Boll. 30 (1911), p. 319-320. On connaît deux saints martyrs portant ce nom; le premier apparaît dans les actes de martyre de saint Théodore de Perge à Pamphylie, l'autre dans les actes de saint Théodote qui subit le martyre à Ankyra; la ville peut sans doute être identifiée à Ankyra Sidera en Mysie Abrattène. Il est par contre difficile de répondre à la question de savoir auquel des deux Socrates nous avons affaire dans le cas étudié.

6.         Le terme e)cwu/dron = fontaine est un hapax.

Comme l'a prouvé R. Aigrain, loc. cit., les installations restaurées par l'évêque Firminianos n'étaient pas des installations civiles. La fontaine restaurée ainsi que l'aqueduc qui l'alimentait (u(dragw/gion) se trouvaient dans le tetra/stoon, atrium devant l'église Saint-Socrate, et étaient consacrés, comme le sanctuaire, à ce martyr. La présence d'atria et d'installations hydrauliques dans les églises de la basse Antiquité est attestée par de nombreuses inscriptions; cf. surtout l'inscription funéraire d'Eugénios, évêque de Laodikeia Katakekauménè (Ladik), MAMA I 170; pendant son épiscopat de vingt-cinq ans, il fut à l'origine de nombreuses constructions, entre autres, ll. 13-17: pa=san th\n e)klhsi/an a)noikodo[m]h/saj a)po\ qemeli/wn kai\ su/npanta to\n peri\ au)th\n ko/smon tou=??t ) e)stin stow=n te kai\ t[et]rasto/wn kai\ zwgrafiw=[n] kai\ kenth/sewn ke\ u(drei/ou kai\ propu/lou kai\ pa=si toi=j liqocoi+koi=j e)/rgoij; voir aussi l'inscription sur mosaïque à Madaba, IGLSyr XXI 2, 135, l. 7: tou=to e)ge/neto to\ e)/rgon (c'est-à-dire l'église) su\n t%= eu)agei= a)nabru/t%.

7.         Sur le terme a)qlofo/roj = «martyre», emprunté au langage agonistique, cf. W. M. Calder, JRS 10 (1920), p. 52-53; A. Wilhelm, Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften, Phil.-hist. Klasse, (1932), p. 845-846 = Kleine Schriften I 2, p. 389-390. Le terme a)qlofo/roj pour désigner des martyrs est particulièrement fréquent dans les hymnes en leur honneur attestés entre autres par des papyrus; sur les témoignages papyrologiques de ce terme, voir MPER NS XVII, p. 110.

8.         Sur la formule d'intercession: presbei/aij (ou eu)xai=j) suivi du nom d'un(e) saint(e), voir les références réunies par J. Russell, The Mosaic Inscriptions of Anemurium [= Österreichische Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-Historische Klasse, Denkschriften 190 = Ergänzungsbände zu den Tituli Asiae Minoris 13], Wien 1987, p. 62 (commentaire de l'inscription no. 11, l. 1).

Dans la mentalité des Anciens, le bain apportait un véritable plaisir (a)po/lausij), ce dont témoignent aussi bien les auteurs que les textes épigraphiques; pour les généralités sur ce sujet, voir K. M. Dunbabin, « Baiarum grata voluptas. Pleasures and dangers of the Baths », Pap. Brit. School Rome 57 (1989), p. 6-46 et St. Busch, Versus Balnearum. Die antike Dichtung und Baden im römischen Reich, Stuttgart-Leipzig 1999; Ch. Marek, Chiron 30 (2000), p. 377-378. Parmi les témoignages épigraphiques on peut citer: IGR IV 413, Pergame, II s. ap. J.-C.: )/Attaloj ei)ko/na h(\n qh=ken Nu/mfaisin a)/galma a)i/dion loutrw=n o)/fr' a)po/lausin e)/xoi. Cet aspect des mœurs se reflète le mieux dans la littérature et l'épigraphie antiques tardives, aussi bien chrétiennes que païennes; cf. d'une part le témoignage de Libanios, Or. 11, 134: a)ei\ de\ th\n po/lin a(/pasan loutrw=n te a)polau/sei kai\ qeama/twn xa/risin »felou=nte/j te kai\ yuxagwgou=ntej, et, de l'autre, les inscriptions SEG VIII 172: e)n u(gi/# lousa/menoj a)polau/siaj to=n so=n kti(sma/twn) (Ophel en Palestine, inscription sur mo-saïque provenant vraisemblablement des thermes, VIe s.) et T. B. Mitford, I. Nicolaou, The Greek and Latin Inscriptions from Salamis, Nicosia 1974, no. 51: € u(gie/nontej a)p[olau/ete €]. Sur l'éloge des plaisirs découlant du bain dans les inscriptions sur mosaïques de la basse Antiquité en général, cf. J. Russell, The Mosaic Inscriptions of Anemurium, p. 42. )Apo/lausij fait partie de ces notions abstraites que l'art de l'antiquité tardive traduit au moyen de personnifications. Trois représentations de )Apo/lausij sont connues: la première, sur une mosaïque mise au jour dans les thermes à Toprak en Narlidja, à 9 km à l'est d'Antioche, V s. (D. Levi, Antioch Mosaic Pavements, Princeton-London-Den Haag 1947, p. 304-306, pl. 67d, 168b; inscription dans IGLSyr III 1, no. 871), la deuxième, sur une mosaïque des thermes d'Argos, VI s. (G. Åkerström-Hougen, The Calendar and Hunting Mosaics of the Villa of the Falconer in Argos. A Study in Early Byzantine Iconography [= Skrifter utg. Svenska Inst. Athen 23], Stockholm-Lund 1974, p. 129, pl. 12) et la troisième sur une mosaïque inédite d'origine inconnue, parue dans le commerce des antiquités à Londres en 1969; sur les représentations de )Apo/lausij, cf. J. Balty, LIMC II [1984], p. 182-183, s.v. Apolausis.

9-10.Les vœux de rester dans la paix et dans le bien-être pendant de longues années (qui peuvent se rapporter aussi à des constructions) sont caractéristiques des inscriptions antiques tardives et de celles du début de l'époque byzantine; voir les remarques de L. Robert, REA 62 [1960], p. 353-354 = Op. Min. II, p. 869-870; idem, Hellenica XI-XII [1960], p. 23-25; cf. en particulier l'inscription du temple d'Isis à Philae, transformé en église Saint Étienne au VI s., Lefebvre, Recueil, no. 591: € kai\ tou=to to\ a)gaqo\n e)/rgon (notamment l'église Saint Étienne) e)ge/neto e)pi\ tou= o(siwta/tou patro\j h(mw=n e)pisko/(pou) a)/pa Qeodw/rou: o( q(eo\)j au)to\n diafula/j$ e)pi\ mh/kiston xro/non. Les vœux dans lesquels on souhaite au destinataire que Dieu le préserve e)pi\ (ei)j) megi/stouj xro/nouj apparaissent souvent dans les lettres de l'époque byzantine écrites sur papyrus; voir les exemples recueillis par P. J. Sijpesteijn, JJP 20 (1990), p. 134-135.

 [A.Ł.]


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