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26. ÉPITAPHE DE RHODÈ

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 198791.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Jadis dans la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient sans doute du nord-ouest de l'Asie Mineure ou des Balkans, peut-être des régions limitrophes entre la Bithynie et le Pont (voir infra).

Marbre blanc bleuâtre. Plaque; h. 35 cm, l. 27 cm, ép. 3,9 cm; bas de la plaque est brisé, bord droit taillé (cette coupure n'est pas d'origine); surface du marbre couverte de patine; en haut et au bas de la pierre traces de mortier. Au centre de la plaque figure une grande croix latine. L'inscription est gravée dans les bras de la croix. Lettres lunaires et carrées, écriture peu soignée. Alpha à barre brisée, la haste droite du lambda prolongée en haut, l'epsilon lunaire et carré avec le trait médian prolongé, les traits verticaux du mu reliés par un arceau, le trait vertical de l'upsilon très court. H. des lettres: 2,3 - 3,0 cm.

D'après la pierre, A. Łajtar, « Eine griechisch-christliche Grabinschrift in Warschau», Epigr. Anatol. 26 (1996), p. 99-102, photo (H. W. Pleket, SEG XLVI 847).

Cf. W. Godlewski dans: Sztuka koptyjska. Muzeum Narodowe w Warszawie (L'art Copte. Musée National de Varsovie), Warszawa 1984, p. 20, no. 23 (description) et p.56 (photographie) avec provenance: Égypte. Cl. Brixhe, Bull. épigr. 1997, 589 (sur la publication de Łajtar dans: Epigr. Anatol. 26 (1996); il suggère que l'inscription provient de la région limitrophe entre la Bithynie et le Pont). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 154, no. 18 (bibliographie).

VI - VII s. ap. J.-C.

e)nqa/de

kata/kith

ÑRo/dh lao-

4       bota/nh{N}

pisth/,

game-

th\ )Ale-

8       ca/ndrou.

2. lire kata/keitai

Ici repose Rhodè, laobotanè, qui fut baptisée, femme d'Alexandre.

Puisqu'on ne connaît ni le lieu d'acquisition du monument pour la collection du Lyceum Hosianum ni, d'autant moins, le lieu de sa découverte, l'origine de la stèle prête à discussion. W. Godlewski, loc. cit., situait l'inscription en Égypte, sans pour autant fournir de preuve qui puisse étayer cette hypothèse. À notre avis, la provenance égyptienne de l'épitaphe est douteuse. En effet, l'inscription funéraire de Rhodè est gravée sur une plaque de marbre. Or, dans l'Égypte chrétienne, le marbre était rarement employé comme matériau pour la fabrication de stèles funéraires. La formule initiale de l'inscription: e)nqa/de kata/keitai o( dei=na (h( dei=na) est peu typique del'épigraphie chrétienne d'Égypte. Le plus vaste des corpus des inscriptions grecques chrétiennes d'Égypte, Lefebvre, Recueil, ne fournit qu'une occurrence de cette formule à savoir l'inscription no. 65 d'Athribis dans le Delta. Les deux éléments signalés plus haut, très peu typiques des inscriptions chrétiennes d'Égypte (le marbre comme support, formule e)nqa/de kata/keitai o( dei=na) trouvent par contre de nombreux analogues dans l'épigraphie funéraire du nord-ouest de l'Asie Mineure, de Constantinople et de Thrace (cf. p.ex. séries d'épitaphes de Constantinople au Musée National de Varsovie, dans le présent catalogue, nos 8-12). Cette région fournit également de nombreux documents parallèles quant à la forme: texte inscrit dans les bras d'une grande croix (cf. exemples cités dans le commentaire du no. 25). Tous ces éléments laissent supposer que l'épitaphe de Rhodè vient non pas d'Égypte mais bien d'une région que l'on peut délimiter comme suit: nord-ouest de l'Asie Mineure - péninsule balkanique et, plus exactement, les environs plus ou moins proches de Constantinople. Selon Cl. Brixhe, Bull. épigr. 1997, 589 la forme kata/kith pour kata/keitai avec «h» pour «ai» (un signe de la prononciation fermé de /e/; cf. commentaire de l'inscription no. 7, l. 3) semble plutôt indiquer que l'inscription provient des confins de la Bithynie et du Pont.

3-4.La leçon LAOBOTANH{N} est sûre (voir phot.). À supposer que le lapicide n'ait pas fait d'erreur, il s'agit du mot laobota/nh. À notre connaissance, ce terme n'est attesté nulle part ailleurs. Sa signification exacte peut donc prêter à controverse. Trois interprétations sont possibles.

a) Il s'agit d'un substantif composé dont le deuxième élément est le mot bota/nh; le premier élément serait alors le génitif de la=aj ou de lao/j. Le sens de ces mots composés (que l'on pourrait traduire comme « plante de pierre » et « plante populaire ») ne correspond cependant aucunement au contexte. On pourrait donc envisager, pour le second cas, d'interpréter laobotãnh comme ényrvpobotãnh (ce qui donnerait « plante humaine »). Le terme laobota/nh ferait dans cette situation allusion au nom de la défunte: « ici repose Rosa, plante humaine »; cf. allusion semblable dans l'épitaphe de Thessalonique, IG X 2, 1, 712: ÑRei/a )Anpe/lin to\ kalo\n futo\n w(=de de/duken et une autre dans l'épitaphe métrique d'un certain Andronikos de Laodicée du Lycos, I.K. 49 [Laodikeia am Lykos], 80: )Andro/neikoj futo\n h)=a, par )e)moi=j de\ h)=a Tro/pwn.

b) laobota/nh est un composé du substantif lao/j et une forme du verbe bo/skw; pour ce type de dérivés cf. Orph. L. 714: laobo/teira, comme épithète de la Terre-Mère, et Hesychius (ed. Schmidt), s.v laobo/twn = a)nqrwpotro/fwn. Que pourrait donc signifier le terme laobota/nh («nourriture du peuple», « nourricière du peuple ») employé comme épithète d'une chrétienne décédée? Peut-être a-t-il servi ici à désigner la charité de Rhodé envers ses coreligionnaires?

c) laobotanh est l'ethnique de Rhodé, construit avec -anh au lieu de la terminaison couramment employée dans ce contexte -hnh; le pays de Rhode s'ap-pellerait donc Laobota ou porterait un autre nom similaire. À notre connaissance, un tel toponyme n'a pas encore été enregistré, cf. cependant Libothnoj, épithète d'Apollon dans une inscription de Prusa en Bithynie, construit comme un ethnique à partir de la localité qui s'appelait Li=bon, Li/bon; pour cette dernière inscription, voir I.K. 39 [Prusa ad Olympum I], 40 avec addenda et corrigenda dans: I.K. 40 [Prusa ad Olympum II], p. 2; cf. aussi, Zgusta, Kleinasiatische Ortsnamen, § 711-1.

5. Sur l'épithète pisto/j voir supra, commentaire de l'inscription 10.

 [A.Ł.]


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