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100. ÉPITAPHE DE KOLLOUTHOS

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 198836.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Anciennement au Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient très certainement de la vallée du Nil (d'Égypte ou de Nubie).

Marbre bleuâtre. Plaque, à l'origine cintrée en haut; h. 48 cm, l. 41 cm, ép. 4,5 cm; toute la partie gauche de la plaque avec les coins supérieur et inférieur brisés, ces détériorations ont entraîné la disparition des premières lettres dans les deux der dernières lignes; l'arête gauche est ébréchée. L'inscription gravée au poinçon, par touches ponctuelles; ce sont ces points (très rapprochés mais non contigus) qui forment les lettres. L'inscription est exécutée sans réglage; les lettres suivent une ligne montante de gauche à droite, c'est qui est particulièrement bien visible de la lige 7. En haut, le texte est délimité par une ligne faite, comme les lettres, de petits points très rapprochés; au-dessus de la ligne, des traces de trois croix travaillées comme les lettres (même technique d'exécution). Lettres lunaires; ligature OU. Alpha à barre brisée, la haste droite de l'alpha, du delta et du lambda se prolonge en haut, le trait horizontal du thêta dépasse sensiblement la panse, les traits latéraux du mu obliques, le psi en forme de croix. H. des lettres: 0,9 -2,4 cm.

D'après la pierre au Musée National de Varsovie, J. Kubińska, « Une pierre funéraire chrétienne au Musée National de Varsovie », Rev. arch. 1981, p. 74-76, avec photographie (H. W. Pleket, SEG XXXI 1562). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, A. Łajtar, ZPE 93 (1992), p. 137-140.

Cf. K. Michałowski, Sztuka starożytna. Muzeum Narodowe w Warszawie, Warszawa 1955, p. 180 (mentionne que l'inscription est au Musée National de Varsovie; il donne une date erronée: III s. ap. J.-C.). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 161, no. 113 (bibliographie).

VI-X s. ap. J.-C.

€ e)le/hso/n me, o( q(eo/)j, kata\

to\ me/ga sou e)/leoj kai\ ka

ta\ to\ plh=qoj tw=n i)k

4       teirmw=n sou e)ja/lico(n)

ta\j énomi/aj mou kai\

ta\ paraptw/mata/

mou: mh\ épori/cij me

8       dia\ ta\j énomi/aj mou

mh/te ei)j to\n ai)w=na

mhnh/sij thrh/sij ta\

kaka/ mou. e)gw\ ga\r

12KolloËqoj ÉAnte-[ ? ?o]u? e)koimh/qh mh-[ni\ Qw=q] gÄ, i)nd(ikti/wn)\oÄ(j) ieÄ €[€] €? €

2. to ajouté par le lapicide en lettres plus petites en marge gauche || 3-4. lire oi)ktirmw=n; Kubińska suivie par Pleket ponctue après i)kteirmw=n sou || 4. ejalicØo pierre, lire e)ja/leicon || 7. lire )porri/c$j || 10. tere!i+! pierre, lire mhni/s$j thrh/s$j || 13-14. e)koimh/qh mh...G ind )I(hsou=)j Kubińskaavec la traduction: « je me suis endormi dans le mois ... 3, indiction 6: Jesus », mh...[no\j] gÄ, i)nd(iktiw=noj) ieÄ Pleket || 14. i+nd/o i+e pierre

Aie pitié de moi, ô Dieu, dans ta grande miséricorde et, dans les largesses de ta compassion, efface mes transgressions et fautes. Ne me rejette pas à cause de mes transgressions, ne reste pas en courroux pour l'éternité, ne garde pas le souvenir de mes fautes. Car moi, Kollouthos, fils d'Ante[   ], je me suis endormi le 3 du mois de Thôth, indiction 15.

L'inscription se compose de deux parties. La première partie (lignes 1-11) est une prière pour l'âme du défunt, la seconde (lignes 12-14) comporte une présentation du défunt et donne la date de sa mort.

1-7.La prière pour le défunt débute par une phrase qui est une citation presque littérale du Psaume 50, 3: e)le/hso/n me, o( qeo/j, kata\ to\ me/ga e)/leo/j sou, kai\ kata\ to\ plh=qoj tw=n oi)ktirmw=n sou e)ja/leicon to\ )no/mhma/ mou. C'est par la même phrase que commence la prière pour la défunte dans l'inscription funéraire de Théodotè, Lefebvre, Recueil, no. 663: ku/rie, )na/pauson th\n cuxh\n th= dou/lh sou Qeodo/th th=j makari/aj, e)le/hson au)th=j kata\ to\ me/ga e)/lew/j sou, o( qew/j, kai\ kata\ to\ plh=qoj tw=n{n} i)ktirmoo=n sou e)ja/licon to\ )no/mion au)th=j, kai\ e)le/hson au)th=j )po\ tw=n xeiroo=n sou, kai\ sti/son au)th=j e)k deji/aj sou e)pi\ qro/no dikaiosu/nhj, kai\ po/dison au)th=j e)pi\ u(/dadoj )napau/sewj (la citation garde l'orthographe originale de l'inscription). Il est difficile de dater l'épitaphe de Théodotè; le plus vraisemblablement, il faudrait la situer approximativement au IX-X s.; cf. A. Łajtar, ZPE 93 (1992), p. 139-140. On ne connaît pas non plus son origine. Le fait que l'épitaphe a paru dans les années quatre-vingts du XIX s. dans le commerce des antiquités à Assouan et que, pour donner l'indication du jour, on y emploie, à côté du jour du mois, aussi le jour de la lune, ce qui est caractéristique de la Nubie (cf. R. S. Bagnall, K. A. Worp, CdÉ 61 [1986], p. 347-357), semble dénoncer l'origine nubienne de l'inscription. Compte tenu des ressemblances de composition observées entre les prières pour l'âme du défunt dans l'épitaphe de Kollouthos et dans celle de Théodotè, il est légitime de penser que l'épitaphe de Kollouthos date de la seconde moitié du premier millénaire de notre ère ou, plus précisément, de la seconde moitié de cette période; la date proposée par Kubińska, loc. cit.: IV-V s., nous semble donc très peu probable. L'épitaphe est sans aucun doute originaire de la vallée du Nil, peut-être de Nubie. Le nom du défunt témoigne très fortement en faveur de cette provenance; à ce sujet, voir infra.

7-11.Toute la dernière partie de la prière pour l'âme du défunt constitue une transposition du vers 13 de l'Oratio Menassis (F. X. Funk, Didascalia et constitutiones apostolorum I, Paderborn 1905, p. 87: Const. apost. II 22, 14): ... mh\ sun-apole/s$j me tai=j )nomi/aij mou, mhde\ ei)j to\n ai)w=na mhni/saj thrh/s$j ta\ kaka\ moi. L'Oratio Menassis fut créée le plus vraisemblablement au II/I s. av. J.-C., dans le cadre du judaïsme palestinien lié au Temple de Jérusalem. Comme beaucoup d'autres ouvrages de la littérature intertestamentaire apocryphe, elle fut adoptée par le christianisme naissant qui avait fait intégrer ses différents éléments dans plusieurs liturgies orientales, y compris dans la liturgie de Saint Marc, caractéristique de l'Égypte et de la Nubie: cf. W. F. Macomber, « The Anaphora of Saint Mark according to the Kacmarcik Codex», Orient. Christ. Periodica 45 (1973), p. 91. Tout porte à croire que le texte de la messe entendue régulièrement à l'église est devenu une source directe d'inspiration pour l'auteur de l'inscription. meni/saj qui apparaît dans le texte original de l'Oratio Menassis est remplacé dans l'inscription par mhnh/sij (= meni/s$j), peut-être sous l'influence du thrh/sij (= thrh/s$j) voisine. sun-apole/s$j de l'Oratio Menassis a été remplacé par )pori/cij (= )porri/c$j), peut-être sous l'influence du Ps. 50, 13: mh\ )porri/c$j me )po\ tou= prosw/pou sou. Il est difficile de répondre avec certitude à la question de savoir qui était l'auteur des modification signalées; il semble qu'elles ont été proposées par le rédacteur de l'inscription, mais on ne peut pas non plus exclure l'éventualité des changements survenus déjà à l'étape des sources dont celui-ci s'était inspiré.

12.       Kollou=qoj est un nom égyptien de grande popularité dans l'Égypte romaine, ce dont témoignent aussi bien les sources grecques que les sources démotiques. Ce nom était entre autres celui d'un médecin et prêtre chrétien d'Antinooupolis, martyr du temps des persécutions de Dioclétien, devenu un des saints coptes les plus populaires. La popularité de son culte a sans aucun doute été à l'origine de la grande diffusion du nom Kollou=qoj dans l'Égypte chrétienne. Sur l'étymologie égyptienne du nom Kollouthos et sur saint Kollouthos voir W. E. Crum, « Colluthos, the Martyr and his Name », Byz. Zeitschr. 30 (1929-30), p. 323-327.

13-14.La lecture de Pleket (voir apparat) donne un sens correct mais elle est difficilement acceptable dans sa totalité car en Égypte les mois n'étaient jamais numérotés mais portaient toujours un nom. Le nom du mois doit donc être restitué dans la lacune au début de la ligne 14. Cette lacune étant assez petite (4-5 lettres tout au plus), on ne peut envisager qu'un nom très court; Qw=q semble y convenir le mieux. À cet endroit du texte, on pourrait lire aussi mh(ni/)|[nom du mois] gÄ, i)nd(d)\oÄ(d) ieÄ.

[A.Ł.]


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