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49. DÉDICACE HONORIFIQUE POUR [THÉAGÉNÈS] FILS DE THÉON

Département de l'Art antique, inv. 198758.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Anciennement dans la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient très certainement d'Égypte, peut-être, comme le monument précédent, de Pharbaithos.

Marbre blanc à gros grain couvert de patine rose crème. Plaque épaisse; h. 15,5 cm l. 19,5 cm, ép. 7,6 cm; il ne subsiste qu'un fragment du haut de la plaque avec une portion du bord supérieur à la mi-largeur du monument; la surface de la pierre endommagée au centre par deux rayures franches effectuées au moyen d'un outil pointu et, à la ligne 1, à droite, par corrosion. Lettres gravées en lignes régulières; écriture soignée; apices à peine signalés. Alpha à barre brisée, thêta en forme de cercle avec un point au milieu, traits extérieurs du sigma parallèles. H. des lettres: 1,0 cm, h. moyenne d'interligne: 1,2 cm.

D'après la pierre, A. Łajtar, JJP 27 (1997), p. 28-32, fig. 1 (H. W. Pleket avec re-marques de J. Bingen, SEG XLVII 2128).

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 157, no. 52.

Env. 115-110 av. J.- C.

[Qeage/nhn Q]e/wnoj )Aqhnaie/a w Q ? ? [tw=n ımo]-

[ti/mwn toi=j su]g?gene/si kai\ tw=n e)fhmere[uo/ntwn]

[toi=j basil]eu=sin ei)saggele/wn, [ - - - ]

4 [ - - - - - e)glo]gisth\n, g?umn[asi/arxhn - - - ]

[ - - - - - - - ]n??ia kai\ to[ - - - ]

1. Qe/w[n Bingen dans SEG XLVII

[(Statue de) Théagénès] fils de Théon du dème Athénaïs, ... de ceux qui sont de rang égal aux parents du roi et des chargés de la réception qui sont toujours au service du roi [...], eklogistès et gymnasiarque [...] ... [...]

Les accusatifs )Aqhnaie/a (l. 1) et e)glo]gisth/n (l. 4) indiquent qu'il s'agit d'une inscription honorifique ou d'une inscription commémorant l'érection d'une statue. Le texte présente une structure analogue à celle de l'inscription no. 48: d'abord les noms et les titres de la personne honorée à l'accusatif, puis les noms et les titres de la personne érigeant l'inscription au nominatif et, à la fin, le nom de la divinité dédicataire au datif. Ce que l'on peut comprendre des lignes 1-4 se rapporte uniquement à la personne honorée.

1.         La restitution [Qeage/nhn Q]e/wnoj est basée sur l'identification de la personne honorée par cette inscription avec Théagénès, auteur de la dédicace en l'honneur de son père [ . . . ]n, no. 48 du présent catalogue. Cette identification est étayée tout d'abord par d'importants arguments prosopographiques. Ainsi, aussi bien Théagénès que la personne honorée par notre inscription exerçaient la fonction aulique de tw=n e)fhmereuo/ntwn toi=j basileu=sin ei)saggele/wn. Et, comme il a été souligné dans le commentaire de l'inscription précédente, cette fonction n'est attestée que par ces deux textes, il est donc bien probable qu'elle se rapporte à la même personne. Certes, la personne honorée par la présente inscription porte le titre honorifique plus important que celui de Théagénès du premier texte et, de surcroît, elle est nommée éklogistès et gymnasiarque (fonctions qui ne sont pas signalées dans le contexte de Théagénès de l'inscription no. 48). Cependant, ces différences ne devraient pas nous inquiéter car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, elles semblent témoigner en faveur de l'identification des deux personnages. Ainsi, l'inscription no. 48, érigée par Théagénès en l'honneur de son père, correspond à la période plus ancienne de sa carrière, alors que dans l'inscription actuellement étudiée, érigée en l'honneur de Théagénès, il est question d'un grade supérieur. On remarquera à cette occasion que, si notre identification du personnage anonyme avec Théagénès est juste, ce dernier, occupant le poste d'éklogistès en deuxième étape de sa carrière, aurait suivi, du moins en partie, la même carrière que son père qui, lui aussi, passa par la fonction d'e)pi\ tou= logisthri/ou tw=n nomarxikw=n = «eklogistès en chef ». Ce qui est plus, le père du personnage anonyme s'appelait Théon, ce qui permettrait de combler avec une étonnante exactitude la lacune de trois lettres au début du nom du père de Théagénès dans l'inscription no. 48: [Y°v]n. L'identification que nous proposons nous mettrait devant la situation où le père (Théon) et le fils (Théagénès) porteraient des noms très rapprochés, formés sur la racine qeo-, ce qui ne serait peut-être pas dû au hasard; cf. commentaire de l'inscription no. 43 qui mentionne trois hommes appartenant à la même famille, qui portent uniquement les noms formés sur le mot n¤kh. De cette manière, les arguments prosopographiques déjà évoqués se trouveraient étayés par un argument onomastique. Notre argumentation en faveur de l'identification de Théagénès du texte no. 48 avec la personne anonyme honorée par la présente inscription doit être terminée par la remarque que le père de Théagénès (de même que Théagénès) appartenait au dème alexandrin Athénaïs, tout comme la personne honorée par notre inscription. À tous les arguments déjà réunis en faveur de cette identification, il faut ajouter une observation supplémentaire, à savoir que le support matériel des deux textes est très ressemblant. Les deux inscriptions sont en effet gravées sur des plaques de marbre blanc d'environ 8 cm d'épaisseur et leur paléographie est assez proche. Il convient également de noter que les deux monuments (no. 48 et no. 49) sont issus de la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg. Il n'est donc pas exclu qu'ils aient été effectivement trouvés à un même endroit pour entrer ensuite ensemble dans le circuit commercial en Égypte et de là parvenir à Braniewo au Lyceum Hosianum. L'inscription no. 48, en meilleur état de conservation, qui fournissait de nombreuses données importantes déjà à la première lecture, a été publiée d'emblée, alors que l'inscription no. 49, gravement endommagée, n'a pas eu de chance auprès des éditeurs et n'a été publiée que tout récemment. Si notre argumentation est juste, à l'origine, les deux inscriptions devaient se trouver au même endroit, peut-être dans le sanctuaire de Harmerti à Pharbaithos.

À la fin de la ligne, entre «q» et la cassure, on voit des traces de deux lettres dont la première peut être «e» et l'autre «w» ou «o». Nous sommes malheureusement dans l'impossibilité de proposer une lecture plausible de cet endroit du texte, d'autant plus que la restitution absolument certaine [tw=n ımo|ti/mwn toi=j su]g?gene/si ne laisse aucune place disponible pour plus de deux lettres. Dans SEG XLVII 2128 J. Bingen a suggéré qu'il pouvait y avoir là le nom de l'auteur de la dédicace. Celui-ci a pu être un fils de Théagenes et porter le nom de son grand-père, Théon.

1-2.Pour le titre honorifique de tw=n ımoti/mwn toi=j suggene/sin, voir T. B. Mit-ford, JHS 79 (1959), p. 107; L. Mooren, La hiérarchie de la cour ptolémaïque, p. 22 et p. 97, note 2; idem, The Aulic Titulature in Ptolemaic Egypt, p. 232-233: liste prosopographique fournissant onze cas, nos 00198-00208; on peut y ajouter encore Diophanès, stratège de l'Arsinoïte entre 124/5 et 120 av. J.-C., mentionné dans P.Med. inv. 71.38, ll. 1-2 (publication du papyrus dans: A. Di Bitonto, Aegyptus 54 [1974], p. 34-36). Il ne fait pas de doute que le titre de tw=n o(moti/mwn toi=j suggene/sin fut institué par Ptolémée VIII Évergète II; Mitford, loc. cit., opte pour la date 125/4 av. J.-C., à la fin de la guerre civile entre Ptolémée VIII et Cléopâtre II. Ce titre, avec deux autres titres honorifiques supérieurs (suggenh/j et tw=n prw/twn i)/lwn) survécut à la réorganisation de la titulature aulique ptolémaïque du début du I s. av. J.-C., qui abolissait tous les titres inférieurs; on le retrouve dans les sources jusqu'au milieu du I s. av. J.-C.

4. Sur logistai/ et e)glogistai/, voir Wilcken, Ostraka I, p. 493-504, en particulier p. 502-503; idem, Grundzüge, p. 208-209; G. Chalon, L'Édit de Tiberius Julius Alexander. Étude historique et exégétique [= Bibliotheca Helvetica Romana 5],Olten-Lausanne 1964, p. 184-185. Créée en Égypte sous les premiers Ptolémées, la fonction d'e)glogisth/j subsista jusqu'à la basse Antiquité. Les e)glo-gistai/ étaient des fonctionnaires des contributions préposés à la répartition de l'impôt. Chargés de tenir des livres de comptes qui déterminaient le type et le montant de l'impôt payé par chaque contribuable, les e)glogistai/ n'étaient pas directement engagés dans le recouvrement des impôts. Ils travaillaient à Alexandrie, à l'office des impôts (logisth/rion), sous la direction d'un eklogistès en chef qui était soumis directement au dioikétès. Un e)glogisth/j ne s'occupait que d'un nome (un e)glogisth/j de l'Arsinoïte infra, no. 57), ce qui peut suggérer une restitution dans le texte étudié: [to\n tou= | nom du nome au génitif e)glo]gisth/n.

[A.Ł.]


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