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107. ÉPITAPHE DE STÉPHANOS, ÉVÊQUE DE FARAS

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 234646.

Trouvée par la mission polonaise à Faras pendant la campagne de fouilles 1962-63. La pierre était encastrée dans le mur ouest de la cathédrale, dans un lieu servant autrefois d'entrée, à gauche de l'épitaphe de l'évêque Kollouthos. Numéro d'inventaire de chantier: FA 390/62-63.

Marbre blanc. Plaque trapézoïdale; h. 41 cm, l. 42 cm, ép. 2,9 cm; conservée intacte. Gravure très soignée. Les lettres disposées en lignes régulières. H. des lettres: env. 2 cm. Traces de peinture rouge au fond des lettres au milieu de la pierre formant une croix (un cas analogue dans l'épitaphe de Géorgios, l'archevêque de Dongola, 1113 ap. J.-C.; cf. A. Łajtar, Oriens Christianus 81 [1997], p. 120-121, no. 4). Dans les formules de datation (et seulement là), le lapicide utilise de nombreuses abréviations en signalant généralement ce fait par la superposition de la dernière lettre conservée qui est beaucoup plus petite que les lettres des lignes principales. Le graveur utilise en plus le nomen sacrum q!, l'abréviation k/ pour kai/ (irrégulièrement) et des ligatures. Les chiffres sont signalés par un trait au-dessus des lettres et par un point sur le côté, le plus souvent à droite. À la ligne 11, le point joue en plus le rôle d'une virgule, alors que les deux points à la ligne 14 et à la fin de l'inscription sont employés pour remplacer le point. Un point au-dessus du « h» dans hmera (l. 6) et hmwn (l. 9) désigne la voyelle initiale (aspiration). Pour ce qui est de la forme et du tracé de l'écriture, les lettres se situent entre la majuscule épigraphique et la majuscule nubienne. Quant à la technique d'exécution et de la paléographie, l'épitaphe de Stéphanos est une des plus belles inscriptions grecques de Nubie.

D'après la pierre à Faras, Jakobielski dans: K. Michałowski et alii, Faras. Fouilles polonaises 1961-1962 [= Faras II], Warszawa 1965, p. 168, no. 5, fig. 88 à la p. 88 et fig. 45 à la p. 77. D'après la pierre au Musée National de Varsovie, Kubińska, Faras IV, p. 34-36, no. 6, fig. 7.

Cf. K. Michałowski, Kush 11 (1963), pl. LVIII b (photographie). Jakobielski, Faras III, p. 104-106 (sur l'évêque Stéphanos). D. Hagedorn, Bibl. Orientalis 33 (1976), p. 184 (compte rendu de Kubińska, Faras IV). R. S. Bagnall, K. A. Worp, CdÉ 61 (1986), p. 347-357, no. 1. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 162, no. 123 (bibliographie). Faras. Die Kathedrale aus dem Wüstensand. Eine Ausstellung des Kunsthistorischen Museums Wien und des Nationalmuseums in Warschau, hrsg. von W. Seipel, Kunsthistorisches Museum 23. Mai bis 15. September 2002, p. 105, no. 34, avec une photographie à la p. 104.

14 juillet 926 ap. J.-C.

A€ W

neu/sei kai\ boulei/sei tou=

pantokra/toroj q(eo)u= te/lei t(o)u=

4       bi/ou tou= makariwta/tou a)/bba Stefa/nou e)pisko/pou e)n mh

-

ni\ )Epi/i) k , e( h(me/r# Paraskeu$=,

--

)po\ kosmopo(ii/aj) e)/th juih , e( peri/od(oj) fjj , e(

-       -

8i)nd(ikti/wnoj) id, e( )po\ X(risto)u= ih, e(

-

)po\ Diok(lhtianou=) xmb. e( X(rist)e\ o( q(eo\)j h(mw=n, )na/pauson th\n cu-xh\n au)tou= e)n ko/lpoij )Abraa\m k(ai\) )Isaa\k kai\ )Iakw/b, e( e)n to/p%fwti-

12n%=, e)n to/p%)napau/sewj, e)/nqa )pe/dra o)du/nh k(ai\) lu/ph k(ai\) stenag-mo/j. e( ta\ de\ e)/th th=j zwh=j au)tou= )po/ te th=j gennh/sewj au)tou=

16      e(/wj th=j teliw/sewj au)tou=

-

e)/th pent\h/Äkonta du/o nb kai\ mei=

-       --

naj e(pta/ z :e)n e)pakt(oi=j) e( d : selh/n($) e( a :

u e( o ohd do----

3. t || 6. Øk h mera || 7. ap kosmop  et perio || 8. in ap  xu dans le numéral ih eta ok ---e( corrigé à partir d'un tha)/ta ap  dio  xe || 9. q! hmwn || 10. k/ || 11. i+!aak i+akwb || 13. h tn k/ k/ || 17. pentkonta || 18. epak  !elh

2. lire boulh/sei || 7. kosmopo(i/aj) Kubińska|| 11-12. lire fwtein%= || 15. cette ligne est absente chez Kubińska, si bien que la numérotation des lignes est différente à partir de la ligne 15 || 16. lire teleiw/sewj || 17-18. lire mh=naj || 18. e)nepakt(o/n) Kubińska | selh/n(hj) Kubińska

Par l'assentiment et par la volonté du Dieu Tout-Puissant, le bienheureux abba Stéphanos, évêque, a accompli la vie le 20 du mois Epiphi, vendredi, après la création du monde l'an 6418, l'an 566 de la période, indiction 14, après le Christ (l'an) 918, après Dioclétien (l'an) 642. Christ notre Dieu, accorde le repos à son âme dans le sein d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, dans le lieu de lumière, dans le lieu de repos, là d'où fuit le chagrin, la peine et le gémissement. Les années de sa vie depuis sa naissance jusqu'à sa fin années 52 et mois 7. (Il est mort) la 4 épacte, jour lunaire 1.

2-5.Pour la formule initiale neu/sei kai\ boulei/sei tou= q(eo)u= voir commentaire de l'inscription 106, l. 1. Sur la formule te/lei tou= bi/ou tou= dei=noj (à la place de te/lei tou= bi/ou e)xrh/sato o( dei=na) voir commentaire de l'inscription 105, ll. 2-5.

Stéphanos figure aussi sur la liste des évêques de Faras; cf. Jakobielski, Faras III, p. 194 [18]. À la différence des autres évêques, la liste ne donne pas la durée de l'épiscopat de Stéphanos mais uniquement la date de sa mort: le 20 Epiphi, ce qui correspond à l'information fournie par son épitaphe.

7-8.Pour différents moyens de signaler la date annuelle dans les épitaphes de Nubie, voir commentaire de l'inscription 106, ll. 5-6. Il faut souligner le fait que parmi ces différents systèmes de datation on retrouve aussi le cycle pascal de 532 ans qui, en dehors de cette inscription, est attesté en Nubie une seule fois encore dans l'inscription funéraire de l'évêque de Faras Kollouthos (mort en 923 ap. J.-C.), laquelle présente d'ailleurs de nombreuses autres similitudes avec l'épitaphe de Stéphanos (pour le texte de cette inscription voir Kubińska, Faras IV, p. 32-34, no. 5). Sur le cycle pascal de 532 ans cf. V. Grumel, La Chronologie [= Traité des études byzantines 1], Paris 1958, p. 136-139 et p. 191. Le cycle en question est le résultat de la multiplication du nombre des années du cycle solaire et du nombre des années du cycle lunaire. Il indique que la date de Pâques tombe le même jour de la semaine et le même mois tous les 532 ans. À la basse Antiquité, il existait quelques variantes du cycle qui différaient les unes des autres par le point de départ du calcul. Dans les épitaphes de Kollouthos et de Stéphanos, il s'agit de la variante alexandrine liée à l'ère alexandrine depuis la création du monde. Le cycle alexandrin de 532 ans partait du commencement conjoint des cycles lunaires et solaires, le dimanche 25 mars (moment mystique de la création du monde et du martyre du Christ). Au moment de la mort de Stéphanos, le 13 cycle de 532 ans (à compter à partir de la création du monde), commencé le 25 mars 893, était en cours. Le rédacteur (ou les rédacteurs) des épitaphes de Kollouthos et de Stéphanos se rapporte (se rapportent) cependant non pas à ce cycle mais bien au cycle précédent terminé en 893, ce qui témoigne de son (leur) incompréhension du système. Dans l'épitaphe de Kollouthos, cet ancien cycle fut dépassé de 30 ans, alors que dans celle de Stéphanos de 33 ans. Jakobielski, Faras III, p. 105 suggère que cette erreur a pu résulter d'une reprise automatique du système observé dans une autre épitaphe rédigée avant 893, ce qui peut mais ne doit pas forcément être vrai. Le fait d'avoir employé le cycle pascal de 532 ans ainsi que la connaissance des épactes lunaires (cf. ligne 18) peuvent témoigner de l'intérêt particulier pour le comput à Faras dans la première moitié du X siècle. Or, ces préoccupations sont tout à fait naturelles dans le milieu ecclésiastique proche de l'évêque qui, par sa fonction, était responsable du calcul de la date de Pâques et de sa communication aux croyants.

8-14.Cette prière pour l'âme du défunt est quasi identique à celle de l'épitaphe de l'évêque Kollouthos, dans laquelle on trouve en plus, à la fin, une demande de repos e)n t$= lampro/thti tw=n a(gi/wn. Elle est aussi visiblement apparentée à la partie centrale de la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j qui suit la présentation du défunt et qui contient une série de sollicitations de repos pour son âme; sur la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j voir infra, commentaire de l'inscription 108. Les seules différences observées entre la prière dans les épitaphes de Stéphanos et de Kollouthos et le passage respectif de la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j sont: l'absence dans les deux épitaphes d'expression e)n to/p%xlo/hj et le remplacement de énacu/jewj par )napau/sewj. Il est possible que l'auteur de la prière pour l'âme du défunt dans les épitaphes de Stéphanos et de Kollouthos se soit inspiré d'un fragment de la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j ou ait composé la sienne sur son modèle. Cette observation semble d'autant plus intéressante que la plus ancienne épitaphe connue du nord de la Nubie (Nobadia) contenant la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j ne date que de 1005 (cf. Kubińska, Faras IV, p. 36-38, no. 7), donc reste postérieure de quelques dizaines d'années aux épitaphes de Stéphanos et de Kollouthos. En Nubie centrale (Makouria), la prière o( qeo\j tw=n pneuma/twn kai\ pa/shj sarko/j est attestée dans les épitaphes déjà dans la seconde moitié du VIII siècle (cf. infra, épitaphe du prêtre Stéphanos de Dongola).

17-18.Sur l'usage de la double transcription de numéraux (par chiffres et par lettres), voir commentaire de l'inscription no. 40, ll. 5-6.

18.       Le terme e)paktoi/ se rapporte ici aux épactes lunaires (epactae lunares ou epactae minores par comparaison avec les épactes solaires, dites maiores). Sur les épactes lunaires voir Grumel, Chronologie, p. 185-187. Le terme d'épacte lunaire désignait à la basse Antiquité les jours ajoutés à l'année lunaire pour la rendre égale à l'année solaire. En fonction du cycle, les épactes étaient calculées différemment, ce qui fait que, pour la même année, on observe un autre nombre d'épactes pour chaque cycle. Dans le cas de l'épitaphe de Stéphanos, il s'agit du cycle alexandrin selon lequel, pour l'année 925/6, il y avait effectivement 4 épactes.

Pour la pratique de datation selon le cycle lunaire, attestée en Nubie chrétienne avant tout par des inscriptions funéraires mais aussi par des textes sur parchemin, voir R. S. Bagnall, K. A. Worp, « Dating by the moon in Nubian inscriptions », CdÉ 61 (1986), p. 347-357.

[A.Ł.]


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