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85. ÉPITAPHE DE NIKÉ

Département de l'Art antique, inv. 198827.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Parvenue à la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg avant 1913, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. L'allure du monument indique que la pierre est originaire du Delta oriental, peut-être de Tell el-Yehoudieh (Léontopolis).

Calcaire. Dalle rectangulaire avec représentation en relief d'une stèle à fronton et acrotères; h. 32,2 cm, l. 20,3 cm, ép. 12,3 cm; bords ébréchés; surface de la pierre fortement érodée. L'inscription est gravée dans un champ rectangulaire évidé aux dimensions; h. 12 cm, l. 13,4 cm. Lignes de réglage à peine signalées tracées à 1,8 cm de distance l'une de l'autre. Le réglage a été tracé pour cinq lignes de texte alors que l'inscription n'en occupe que quatre, la cinquième plage étant restée non inscrite. Gravure profonde. Large majuscule épigraphique. H. des lettres 1,4 - 1,8 cm.

D'après la pierre à Braunsberg, S. de Ricci, Rev. épigr. 1 (1913), p. 147, no. 8: transcription en majuscules et en minuscules (J. Juster, Les Juifs dans l'Empire romain I, Paris 1914, p. 497; A. Neppi Modona, Aegyptus 2 [1921]), p. 273; F. Bilabel, SB IV 7292; J.-B. Frey, CIJ II, no. 1472; Lewis, CPJ III, no. 1472). D'après la photographie de la pierre au Musée National de Varsovie, Horbury-Noy, p. 131-132, no. 61, pl. XIX.

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 160, no. 94 (bibliographie).

Seconde moitié du II s. av. J.-C. - I s. ap. J.-C., peut-être l'an 11 av. J.-C., d'après l'histoire de la colonie juive à Léontopolis, la paléographie et l'année de règne

Ni/kh a)/or

on (e)tw=n) lÄ: ÑAq-

u\r *

ia,

4

(e)/touj) kÄ.

1-2. lire a)/wron || 2. L pierre || 3. le trait horizontal signalant le nombre Øia rejoint la haste verticale droite du nu dans le mot « aoron » || 4. L pierre

Pour la traduction voir infra.

L'inscription est incompréhensible au point de vue grammatical: le nom de la défunte (au nominatif) n'est pas accordé avec l'épithète qui l'accompagne (à l'accusatif). A notre avis, il existe deux façons possibles d'expliquer cette inconséquence. 1) L'inscription est construite au nominatif, mais le lapicide a gravé par erreur « n» à la place de «!» dans le mot « aoron», ce qui nous donne la lecture: Ni/kh a)/oro<j> (e)tw=n) lÄ. ÑAqu\r iaÄ, (e)/touj) kÄ; «Niké, morte avant l'âge, (âgée de) 30 ans. (Elle est morte) le 11 Athyr, l'an 20». 2) L'inscription est construite à l'accusatif, mais le «n» à la fin du nom de la défunte a été omis soit par le rédacteur de l'inscription soit par le graveur. Les accusatifs seraient régis par le sous-entendu klau/sate qui revient souvent dans les épitaphes de Léontopolis. L'inscription se présenterait ainsi: Ni/kh<n> a)/oron (e)tw=n) lÄ. ÑAqu\r iaÄ, (e)/touj) kÄ, «(Pleurez) Niké, morte avant l'âge, (âgée de) 30 ans. (Elle est morte) le 11 Athyr, l'an 20 ». Cette lecture paraît d'autant plus probable que dans le grec du temps de la koiné le « n» disparaît souvent en position finale; cf. Gignac, Grammar I, p. 111-112; Brixhe, Essai, p. 33-37. Horbury et Noy corrigent en substituant a)/wre à a)/oron. Cette rectification semble cependant aller trop loin, tant au point de vue paléographique qu'au point de vue grammatical.

1.         Mis à part la présente inscription, dont l'origine léontopolitaine reste d'ailleurs incertaine, on ne connaît pas d'autres occurrences du nom Ni/kh s'appliquant à des femmes juives d'Égypte. Les noms qui commencent par Nik- faisaient partie de l'ancien répertoire de l'onomastique juive; cf. CPJ III, p. 185-186.

3-4.L'ordre des éléments dans la formule indiquant la date (d'abord le mois, puis l'année) est tout à fait inhabituel. Parmi les inscriptions judaïques ou celles qui sont tenues pour judaïques, une telle succession est notée uniquement dans le CPJ III, no. 1530 d = Horbury-Noy, no. 101. Dans son commentaire au CPJ III, no. 1472, Lewis remarque que les solutions (§t«n) dans la ligne 2 et (e)/touj) dans la ligne 4 peuvent, voire doivent être interverties. Certes, la formule de datation retrouvera ainsi son ordre habituel, mais les indications de l'âge de la défunte se trouveront dans une position tout à fait inaccoutumée pour laquelle on ne connaît pas d'analogue.

4.         Au cours de la période dans laquelle on situe traditionnellement les stèles du type Tell el-Yehoudieh (seconde moitié du II s. av. J.-C. - I s. ap. J.-C.) cinq souverains ont atteint la vingtième année de règne: Ptolémée X Alexandre I (95/94 av. J.-C.), Ptolémée XII Neos Dionysos (62/61 av. J.-C.), Cléopâtre VII (33/32 av. J.-C.), Auguste (11/10 av. J.-C.) et Tibère (33/34 ap. J.-C.). S. de Ricci dans l'editio princeps optait pour la date augustéenne qui est reprise automatiquement par tous les éditeurs successifs. Si pour l'année régnale il faut tenir le numéral 30 à la ligne 3 (cf. commentaire aux ll. 3-4), on aura le choix entre Ptolémée IX Sôter II (88/87 av. J.-C.), Ptolémée XII Neos Dionysos (52/51 av. J.-C.) et Auguste (l'an 1 av. J.-C./l'an 1 ap. J.-C.).

[A.T.]


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