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86. ÉPITAPHE JUDAÏQUE DE SABBATIÔN

Département de l'Art antique, no. d'inv. 198811.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Au début du XX s. vue par Otto Rubensohn dans le commerce des antiquités en Égypte. Rubensohn signale que le monument provient de Tell el Yehoudieh (Léontopolis), mais nous ignorons s'il y a été réellement trouvé ou si cette origine lui a été attribuée par le chercheur allemand. Achetée avant 1909 chez l'antiquaire Maurice Nahman pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 881), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. L'allure générale du monument ainsi que le nom Sabbatiôn semblent bien indiquer qu'il provient de Tell el-Yehoudieh (Léontopolis).

Calcaire. Dalle rectangulaire avec représentation en relief d'une stèle à fronton et acrotère central; h. 36,5 cm, l. 25,1 cm, ép. 5,4 - 8,2 cm; conservée presque intacte;petites ébréchures sur les bords et en surface de la pierre. À quelques endroits de la surface on aperçoit des lignes incisées au moyen desquelles le graveur a tracé le contour de la stèle avant de travailler l'ensemble. Restes d'une bande de peinture rouge au bas de la stèle. L'inscription est gravée dans la partie inférieure d'un champ rectangulaire évidé aux dimensions: h. 21,4 cm, l. 18,9 cm. Les lettres touchent au bas les lignes de réglage tracées à 1,6 - 1,7 cm de distance les unes des autres. Gravure profonde mais peu soignée. Lettres lunaires. H. des lettres 1 - 1,8 cm.

D'après la pierre vue dans le commerce des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle la pièce avait été achetée pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 165-166, no. 15 (J. Oehler, Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums 53 [1909], p. 451, no. 228a; Frey, CIJ II, no. 1470; Lewis, CPJ III, no. 1470). D'après la pierre à Braunsberg, Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 22, no. 29. D'après une photo de la pierre au Musée National de Varsovie, Horbury-Noy, p. 128-129, no. 59, pl. XVII.

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 160, no. 92 (bibliographie).

I s. av. J.-C./I s. ap. J.-C.

Sabbati/wn a)/wre

xrhste\ pasi/i)le

a)/loipe, xai=re:

4 w(j (e)tw=n).

3. lire a)/lupe || 4. L pierre

Sabbatiôn, mort avant l'âge, excellent, aimé de tous, sans avoir causé de peine à personne, salut. (Il était âgé de)[  ] ans.

Pour ce qui est du nom Sabbati/wn (Sambati/wn), voir surtout le CPJ III, p. 43-87, Section XIII: «The Sambathions». Ce nom est une formation gréco-hébraïque. Le noyau est constitué par la transcription du nom hébraïque Sabbathai (sbti) = « né pendant le Sabbat », suivi du suffixe grec -i/wn, très opérateur dans l'onomastique du temps de la koiné. Le nom Sabbati/wn (Sambati/wn) est apparu au haut Empire pour remplacer les versions plus anciennes de transcription du nom hébraïque Sabbathai en grec (Sabbaqai=oj, Sabbatai=oj). Porté naturellement d'abord par des Juifs, au II s. ap. J.-C. ce nom s'est répandu aussi parmi les païens, ce qu'il faut sans doute expliquer par une popularité croissante de la pratique du Sabbat par des milieux non juifs.

Sur l'épithète pasi/i)loj voir C. Spicq, « Le lexique de l'amour dans les papyrus et dans quelques inscriptions de l'époque hellénistique », Mnemosyne 8 (1955), p. 25-33, plus particulièrement p. 32; B. Boyaval, « Quelques remarques sur les épithètes funéraires », ZPE 23 (1976), p. 225-230, plus particulièrement p. 226-227; Horbury-Noy, p. 106 (commentaire de l'inscription 41). En ce qui concerne l'Égypte gréco-romaine, cette épithète est attestée, pour la majorité des cas, par les épitaphes judaïques de Léontopolis ou attribuées à Léontopolis. On en trouve aussi quelques occurrences dans les inscriptions funéraires de Térénouthis et d'Alexandrie. En dehors de l'Égypte, l'épithète pasi/i)loj est très rare (une occurrence attestée à Rome, en partie restituée, dans une inscription liée au milieu juif [CIJ I 158]). Compte tenu du fait que l'épithète pasi/i)loj apparaît surtout dans les épitaphes judaïques ou tenues pour judaïques, A. Bernand, Alexandrie la Grande, Paris 1966, p. 158, a émis l'hypothèse selon laquelle ce terme exprimerait un idéal social de la diaspora juive. Mais pasi/i)loj, comme tant d'autres épithètes laudatives, a sans doute une valeur plus affective que sociale.

a)/lupoj est très fréquent comme épithète du défunt (de la défunte) dans les épitaphes de la Basse Égypte (Térénouthis, Léontopolis). Elle apparaît aussi en dehors de l'Égypte comme une des épithètes les plus répandues qualifiant les défunts (cf. nos 32, 36, 39, 41 de notre catalogue, toutes de Phénicie). On sait, que l'adjectif a)/lupoj peut revêtir un double sens, le sens actif: « qui n'a jamais contristé personne » et passif: « exempt désormais de peine ». Il est difficile de trancher la question de savoir lequel des deux doit être adopté dans la traduction des épitaphes. Il est probable que les sens varient en fonction du contexte. En ce qui concerne notre inscription, dans le voisinage de pasi/i)loj, le sens actif semble plus adéquat; dans d'autres cas, le sens passif est probablement mieux justifié. Sur l'emploi de l'épithète a)/lupoj dans les inscriptions funéraires cf. B. Boyaval, ZPE 23 (1976), p. 226.

Le chiffre indiquant le nombre d'années vécues par Sabbatiôn ne fut pas gravé sur la pierre, même s'il y avait suffisamment de place pour le faire. Rubensohn, loc. cit., est d'avis que la faute revient au lapicide qui ne connaissait pas le grec. D'un autre côté cependant, quant à l'orthographe, l'inscription ne s'écarte pas des modèles propres de l'Égypte romaine, aussi faut-il être prudent dans la formulation de ce genre d'opinions. Il n'est pas non plus exclu que la stèle avec l'inscription, telle que nous la connaissons aujourd'hui, ait été fabriquée du vivant de Sabbatiôn, donc sans la mention de l'âge du défunt. Après la mort de Sabbatiôn, sa famille a probablement oublié de compléter l'inscription ou bien elle l'a fait mais avec de la peinture qui a complètement disparu de nos jours.

[A.T.]


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