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84. ÉPITAPHE D'ALEXIS

Département de l'Art antique, inv. 198764.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Au début du XX s. vue par Otto Rubensohn dans le commerce des antiquités en Égypte. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La forme de la stèle assure sa provenance: le Delta oriental, peut-être Tell el-Yehoudieh (Léontopolis) (cf. infra).

Calcaire. Dalle rectangulaire avec représentation en relief d'une stèle à fronton et acrotères; h. 48,8 cm, l. 27,4 cm, ép. 2,7 cm; 8 fragments recollés, coin supérieur droit retranché; la stèle est perforée à six endroits (trous circulaires réguliers), ce qui permettait de l'exposer à Braunsberg en position verticale (cf. la photographie du monument prise à Braunsberg conservée dans les archives des Inscriptiones Gracae à Berlin). La surface de la pierre, à quelques endroits (le long des moulures latérales et le long de la limite supérieure du fronton du côté gauche), porte des traces de lignes incisées, au moyen desquelles le lapicide esquissa la forme de la stèle avant de la graver. Traces de couleur rouge sur le fronton et sur les moulures latérales. Inscription dans un champ épigraphique évidé, dans sa partie supérieure. Dimensions du champ épigraphique: h. 26,2 cm, l. 20,1 cm. Lettres carrées. H. des lettres 1,1 - 2,4 cm.

D'après la pierre vue dans le commerce des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle la pièce avait été achetée pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 166-167, no. 18.

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 160, no. 83.

Début de la période romaine impériale, d'après la paléographie.

)Aleci\ a)/wre

xrhsth\

pasi/i)le, xai=re,

4 w(j (e)tw=n) izÄ: -

(e)/touj) ijÄ, F?.aw=i) iq

1. )/Aleci Rubensohn || 4. L pierre || 5. L pierre

Alexis, morte avant l'âge, excellente, aimée de tous, salut. (Elle était âgée de) 17 ans. (Elle est morte) l'an 16, le 19 Phaôphi.

L'aspect extérieur et la forme de l'inscription rapprochent le monument ici présenté des pierres funéraires judaïques de Léontopolis (Tell el-Yehoudieh); cf. nos. 86-89 de notre catalogue. Cependant, des pierres funéraires semblables sont aussi connues d'autres endroits de la Basse Égypte, et plus précisément, du Delta oriental et, selon les apparences, les personnes à la mémoire de qui ces monuments furent érigés n'étaient pas des Juifs; cf. p.ex. épitaphe d'Hégésandros, fils d'Artémidoros de Péluse (M. Abd el-Maksoud, J.-Y. Carrez-Maratray, G. Wagner, CRIPEL 14 [1992], p. 85-88). Le nom de la défunte ne fournit aucun indice concernant l'origine du monument, car les Juifs égyptiens portaient autant des noms hébreux que des noms grecs (et égyptiens). Dans cette situation, il n'est point possible de définir avec plus de précision la provenance de l'épitaphe d'Alexis. On peut seulement affirmer qu'elle vient du Delta oriental, peut-être de Tell el-Yehoudieh.

L'épithète xrhsth/ (fém.) indique qu'il s'agit d'une défunte, c'est pourquoi nous accentuons l'oxyton ()Aleci/j). Le proparoxyton ()/Alecij), comme chez Rubensohn, serait un nom masculin. Pour l'Égypte, le nom )Aleci/j ne connaît que cette unique occurrence alors qu'ailleurs il était assez répandu.

Sur l'épithète a)/wroj voir B. Boyaval, ZPE 23 (1976), p. 226-227; F. Dunand, « Mort avant l'heure ... Sur l'espérance de vie en Égypte tardive » dans: W. Clarysse, A. Schoors, H. Willems (ed.) Egyptian Religion. The Last Thousend Years. Studies to the Memory of Jan Quaegebeur [= Orientalia Lovaniensia Analecta 85], Leuven 1988, p. 961-974, particulièrement p. 971-972. L'épithète en question revient très souvent dans les épitaphes de la Basse Égypte (Leontopolis, Térénouthis; cf. nos 85, 86, 88, 89, 90 et, probablement, 91 dans ce catalogue), mais aussi dans les inscriptions funéraires de Phénicie et de Palestine (cf. nos.31 et 40 ci-dessus). Elle sert à qualifier les personnes dont l'âge au moment de la mort était quelquefois très différent. En effet, selon les études de Dunand, dans les inscriptions de Léontopolis, l'âge des défunts varie entre 2 et 50 ans, alors que dans une épitaphe de Térénouthis on emploie l'épithète a)/wroj pour qualifier une femme décédée à l'âge de 82 ans. L'âge aussi avancé de nombreux défunts désignés par le mot a)/wroi laisse supposer que cette épithète avaitdans les inscriptions funéraires d'Égypte une charge plutôt affective que descriptive. D'après B. Boyaval, loc. cit., il signifiait, « qu'un défunt, quel que soit son âge, est toujours arraché trop tôt à l'affection des siens ». A. Łajtar, JJP 28 (1998), p. 32-33, a observé que dans les épitaphes qui donnaient quelques épithètes du défunt (de la défunte), a)/wroj apparaissait habituellement en début de la liste, c'est qui est aussi le cas ici. Faites à partir de l'étude des inscriptions originaires d'Égypte, toutes ces observations se rapportent sans doute aussi à des inscriptions de Phénicie.

[A.T.]