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105. ÉPITAPHE DE MATHTHAIOS, ÉVÊQUE DE FARAS

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 234644.

Trouvée par la mission polonaise à Faras pendant la campagne de fouilles 1962-63 dans le complexe funéraire des évêques de Faras du VIII/IX siècle, dans la cour attenante au mur sud de la cathédrale (pour la situation topographique voir Jakobielski, Faras III, plan II, sur lequel le complexe en question est désigné de la lettre C). Le complexe se composait de trois sépultures avec des superstructures en forme de mastabas. La tombe centrale appartenait à Ignatios, celle du sud à un évêque non identifié alors que celle du nord très vraisemblablement à Maththaios. La stèle de Maththaios fut découverte couchée, la face inscrite vers le bas, à environ 1 mètre de la sépulture. No d'inv. de chantier: FA 110/62-63.

Grès gris. Dalle rectangulaire; h. 38,5 cm, l. 32 cm, ép. 9,0 cm; arêtes ébréchées; surface inscrite effacée dans la partie centrale de la pierre. Le champ épigraphique délimité par un cadre mouluré assez large et assez irrégulier. Dimensions du champ épigraphique: h. 34 cm, l. 27,2 cm. Lignes 1-14 de l'inscription sont gravées à l'intérieur du champ épigraphique alors que la ligne 15 sur le listel du cadre au bas de la plaque. Gravure profonde mais peu soignée, surtout dans la partie supérieure de l'inscription. Lettres lunaires, peu régulières. Traces de peinture rouge au fond des lettres. H. des lettres 0,7 (omicron) - 2,2 cm (theta dans la l. 2).

D'après la pierre, Jakobielski, Faras III, p. 202 (transcription en majuscule copte) et. fig 72 sur p. 203; cf. aussi p. 62. D'après la pierre, Kubińska, Faras IV, p. 24-26, no. 3, fig. 4.

Cf. D. Hagedorn, Bibl. Orientalis 33 (1976), p. 184 (note sur la publication de Kubińska). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 162, no. 121 (bibliographie).

Mai/juin 766 ap. J.-C.

i)= qei/# pronoi/# tou= pan-

so/fou q(eo)u= te/lei

tou= bi/ou tou= maka

4 riw(ta/tou) a)/bba Maqqai/ou

e)p[is]ko/pou e)(n) mhnh\ Pau=

ni [ ? ? ?? ?

]jÄ e)/t[ou]j [)]po\

Di[okl]h(tianou=) upb??

Ä: [k(u/ri)e o(] q(eo/)j,

8

)[na/p]auson t[h\]n c[u]xh\n

a[u)to]u= e)n ko/[lpoij )Ab]ra

a\m? [k]ai\ )Isaa\k k[ai\ )Iak]w/b,

e)/?n?q?a? )pe/dra [o)]dh/nh

12      kai\ lu/ph, e)n t$= lam

pro/thti tw=n a(gi/wn

sou, )mh/n €

e)/th [th=j zwh=j au)tou= - - - ]

--      -

-

2. qu|| 3-4. makariØw || 7. [ke] q! || 10. i+!aak

1. qe#= Kubińska || 4. Maqqai=on Kubińska (faute d'inattention?) || 5. e)p[i/s]kopon Kubińska (faute d'inattention?) | e m(h=)na *Kubińska avec la traduction «le 5 jour du mois Pauni», lire mhni/ || 6. Kubińska lit seulement deux premières lettres « ni», [hmera] Øj Jakobielski || 7. Kubińska lit seulement la première lettre « n» || depuis la ligne 8 une faute de numérotation chez Kubińska; sa ligne 8, dans laquelle elle ne lit rien, n'existe pas || 8. t[h\n cu]xh\n Kubińska || 9. pas de parenthèse chez Kubińska || 11. e)/nq[a] Kubińska | lire o)du/nh || 15. manque chez Kubińska

Par la providence divine de Dieu omniscient est mort le bienheureux abba Maththaios évêque, le 6 jour du mois Pauni, l'an après Dioclétien 482. Seigneur notre Dieu, accorde le repos à son âme dans le sein d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, là d'où fuit la peine et le chagrin, dans la splendeur de tes saints, amen.

1-2.Pour la formule qei/# pronoi/# voir A. Łajtar, Gdańsk Archaeological Museum African Reports 1 (1998), p. 75-76. Elle ouvre quelques épitaphes grecques provenant du nord de la Nubie, dont la plus récente est datée de 1102. La formule analogue copte - Hitn« tepronoia mpnoute est très fréquente dans les épitaphes coptes de Nubie.

Dieu est désigné comme pa/nsofoj aussi dans l'épitaphe de l'évêque de Faras Kollouthos (mort en 923), Kubińska, Faras IV, p. 32-34, no. 5: neu/sei k(ai\) boulh/sei tou= panso/fou q(eo)u= pantokra/twroj. À notre connaissance, en dehors de ces deux occurrences, pa/nsofoj comme épithète du Dieu des chrétiens n'apparaît pas dans les inscriptions mais reste très fréquent dans la littérature patristique; cf. exemples cités chez G. W. H. Lampe, A Patristic Greek Dictionary, s.v.

L'expression qei/# pronoi/# tou= panso/fou q(eo)u= est pléonastique; la version correcte serait: pronoi/# tou= panso/fou q(eo)u= ou tout simplement qei/# pronoi/#. Le pléonasme résulte de l'adjonction d'un complément à la formule figée qei/# pronoi/#. La situation se répète dans les autres épitaphes grecques de Nubie contenant la formule qei/# pronoi/#.

2-5.La formule rappelant la mort de Maththaios est incorrecte du point de vue syntaxique. Kubińska traduit: « la fin de la vie du bienheureux abba Matthieu », ce qui suppose dans le texte original la version: te/loj tou= bi/ou tou= makariwta/tou a)/bba Maqqai/ou, grammaticalement correcte mais n'ayant aucun analogue dans les épitaphes nubiennes. De nombreux parallèles épigraphiques et littéraires permettent de déduire la version correcte de la formule: te/lei tou= bi/ou e)xrh/sato o( makariw/tatoj a)/bba Maqqai=oj e)pi/skopoj; sur la formule te/lei tou= bi/ou e)xrh/sato o( (h() dei=na = « a fini sa vie, est mort » dans les épitaphes de Nubie voir dernièrement A. Łajtar, Gdańsk Archaeological Museum African Reports 1 (1998), p. 77. La version fautive s'est probablement formée ainsi: à un moment, pour des raisons inconnues, le verbe e)xrh/sato a disparu et les données personnelles, sous l'influence de tou= bi/ou, ont pris la forme du génitif. Il est à noter que des erreurs semblables se répètent dans les épitaphes des deux autres évêques de Faras: Kollouthos (mort en 923), Kubińska, Faras IV, p. 32-34, no. 5: te/lei tou= bi/ou to\n makario/taton a)/bba Kollou/qou e)pisko/pou (au lieu de: te/lei tou= bi/ou e)xrh/sato o( makariw/tatoj a)/bba Kollou=qoj e)pi/skopoj) et Stéphanos (mort en 926), Kubińska, Faras IV, p. 34-36, no. 6: te/lei tou= bi/ou tou= makariwta/tou a)/bba Stefa/nou e)pisko/pou (au lieu de: te/lei tou= bi/ou e)xrh/sato o( makariw/tatoj a)/bba Ste/fanoj e)pi/skopoj). Très proches chronologiquement, ces trois épitaphes sont visiblement apparentées; soit les rédacteurs des épitaphes de Kollouthos et de Stéphanos ont copié sur l'épitaphe plus ancienne de Maththaios soit ces trois épitaphes ont une source commune.

Sur l'évêque de Faras, Maththaios, voir Jakobielski, Faras III, p. 62-63. Grâce à la liste des évêques de Faras (cf. Jakobielski, Faras III, p. 194 [7]), on sait que son épiscopat a duré 36 ans. C'est de cette période que sont datées les plus anciennes peintures connues de la cathédrale de Faras.

5-6.La restitution e[n] m[h]nh pauni [hmera] Øj proposée par Jakobielski est vraisemblable mais non certaine, c'est pourquoi nous avons décidé de laisser ce passage non restitué.

7-13.Les lignes contiennent une prière pour l'âme du défunt. Elle appartient au type g1 selon la classification devenue classique de H. Junker, « Die griechischen Grabsteine Nubiens », ZÄS 60 (1925), p. 111-148, surtout p. 124. Les prières de ce genre s'ouvrent par une invocation à Dieu, suivie d'une série de supplications pour le repos de l'âme en différents lieux avec, toujours en première position, la supplication pour le repos dans le sein des patriarches. Dans la prière de l'épitaphe de Maththaios, on sollicite trois lieux de repos pour son âme: dans le sein d'Abraham et d'Isaac et de Jacob, là d'où fuit la peine et le chagrin et dans la splendeur des saints de Dieu. La prière pour le repos du défunt revêt une forme identique dans l'épitaphe de l'évêque de Faras Kollouthos (Kubińska, Faras IV, p. 32-34, no. 5), ce qui peut témoigner d'une parenté très proche entre ces deux inscriptions. Quant à la source de la prière reproduite dans les épitaphes de Maththaios et Kollouthos, on peut la voir dans la liturgie de saint Basile, dans la prière des diptyques (E. Renaudot, Liturgiarum Orientalium Collectio I2, Paris 1847, p. 71): kataji/wson e)n ko/lpoij tw=n a(gi/wn pate/rwn h(nw=n )Abraa\m kai\ )Isaa\k kai\ )Iakw/b: e)/ktrecon, su/na-con ei)j to/pon xlo/hj, e)pi\ u(/datoj )napau/sewj, e)n paradei/s%tru/fhj, e)/nqa )pe/dra o)du/nh kai\ lu/ph kai\ stenagmo/j, e)n t$= lampro/thsi tw=n a(gi/wn sou.

11.       Entre )pe/dra et [o)]dh/nh il y a place pour une lettre. Il s'agissait là d'un blanc ou d'un k(ai/) supplémentaire; cf. l'inscription 108, l. 12.

12-14.La prière pour le repos de l'âme du défunt e)n t$= lampro/thti tw=n a(gi/wn est relativement rare dans les épitaphes. En dehors des inscriptions funéraires des évêques de Faras Maththaios et Kollouthos, elle n'apparaît que dans l'épitaphe d'une certaine Eutychousa (Lefebvre, Recueil, no. 650; provenance exacte inconnue, actuellement au British Museum). On retrouve la source de cette formule dans Ps. 109, 3: e)n tai=j lampro/thsin tw=n a(gi/wn. L'emprunt a pu être fait soit directement soit par l'intermédiaire de la liturgie de saint Basile (voir supra). L'expression e)n t$= lampro/thti tw=n a(gi/wn est d'ailleurs très caractéristique de saint Basile qui l'utilise plusieurs fois dans ses écritures (les exemples sont: Homiliae in hexaemeron 2, 8, 88; Epistulae 222, 1, 50; 226, 1, 17, 292, 1, 18 etc.).

[A.Ł.]


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