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44. DÉDICACE AU ROI PTOLÉMÉE III, SON ÉPOUSE BÉRÉNICE ET LES DISCOURES PAR LE PRÊTRE THÉOROSET L'ASSOCIATION DES SYNBASILIASTAI ET DIOSKOURIASTAI

Département de l'Art antique, inv. 198832.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Achetée avant 1909 sur le marché des antiquités en Égypte pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 973), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient très certainement d'Égypte mais il est impossible de définir cette provenance avec plus de précision.

Calcaire gris, très fortement patiné. Plaque épaisse; h. 30,2 cm, l. 40,5 cm, ép. 7,7 cm; le bord supérieur brisé sur la majeure partie de sa longueur; au coin supérieur gauche, à l'endroit où figure le mot BASILEI, la surface de la pierre endommagée par des rayures obliques faites au moyen d'un outil pointu, qui ne font cependant pas penser à un martelage systématique; la surface de la pierre à l'intérieur du champ épigraphique érodée et, à quelques endroits, ébréchée. Au-dessous de l'inscription, à droite, figure le texte X.RET qui semble avoir été griffonné par un étudiant pendant une séance de travaux pratiques au Musée National de Varsovie. Une ligne de réglage délimite la marge gauche; lettres gravées profondément et avec soin; petites traces de peinture rouge au fond des lettres; petits apices. Alpha à barre brisée, thêta sous forme d'un ovale avec un petit trait au centre qui ne touche pas au pourtour, traits extérieurs du mu obliques, hastes verticales du nu et du pi de longueur égale, omicron légèrement plus petit que les autres lettres. H. des lettres: 0,7 - 1,7 cm.

D'après la pierre vue sur le marché des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle le monument avait été acheté pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 158-159, no. 2 (B. Laum, Stiftungen in der griechischen und römischen Antike. Ein Beitrag zur antiken Kulturgeschichte II, Leipzig-Berlin 1914, p. 146, no. 207; P. M. Fraser, Ptolemaic Alexandria II [1972], p. 352, note 144; G. Ronchi, Lexicon theonymon 2 [1974], p. 242). D'après la pierre à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 20, no. 21.

Cf. A. J. Reinach, REG 23 (1910), p. 338 (sur la publication de Rubensohn). M. San Nicolò, Vereinswesen II, p. 151 (sur les biens immobiliers appartenant à l'association des Sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai/ et la façon d'en tirer profit). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 156, no. 48 (bibliographie).

246-221 av. J.-C., probablement avant 241

[b]a?s?[il]ei= [P]tolemai/wi kai\

basili/sshi Be?

reni/khi kai\ Dios

kou/roij ei)j ta\j qusi/aj ta\j ka

4ta\ mh=na ginome/naj th\n pro/s??-odon th\n )po\ tw=n oi)khma/twnQe/wroj ı flereu\j kai\ ofl s[u]nbasi?-listai\ kai\ Dioskouriastai\

8       ofl u(pa/rxontej e)n tw=i nomw=i.

1. Ba]s[i]lei= Rubensohn

Au Roi Ptolémée, à la reine Bérénice et aux Dioscures pour les offrandes mensuelles le bénéfice des biens immobiliers (a été destiné par) Théoros, prêtre et les Sunbasiliastai et Dioskouriastai qui déploient leur activité sur le territoire du nome.

1-3.Il s'agit de Ptolémée III et de son épouse Bérénice II. L'absence de titre de culte qeoi\ Eu)erge/tai indique que l'inscription date du début du règne de Ptolémée III, avant que celui-ci n'ait pris le nom d'Évergète, fait qui a eu lieu très vraisemblablement à son retour de l'expédition en Syrie, entre la troisième (244/3 av. J.-C.) et la cinquième année (242/1 av. J.-C.) de son règne; cf. Volkmann, RE XXIII 2 [1959], col. 1668, s.v. « Ptolemaios III. Euergetes ».

Fraser, loc. cit., se référant à l'information fournie par D. Thompson, rappelle que sur le revers des pentadrachmes de Bérénice II de la série chrémonidéenne figure la corne d'abondance flanquée de piloi des Dioscures (I. N. Svoronos, Ta\ nomi/smata tou= kra/touj tw=n Ptolemai/wn II, no. 963 et III, pl. XXIX 18; BMC Ptolemies, p. 60, nos 7-8 et pl. XIII 6). Ce fait témoigne del'importance du culte voué aux Dioscures par Ptolémée III Évergète et son épouse. L'association des Dioscures au couple royal dans l'adresse de la dédicace peut aussi s'expliquer par le fait que le corps dédicant - société des sunbasilistai/ agissant sur le territoire du nome - bénéficiait d'une protection toute particulière des Dioscures.

3-4.Les offrandes mensuelles mentionnées dans l'inscription sont sans doute en rapport avec le culte du roi. En effet, le décret de Kanopos adopté par les prêtres égyptiens le 7 mars 238 et qui instituait entre autres l'élargissement du culte royal déjà existant, mentionne les fêtes en l'honneur de la famille royale célébrées, conformément aux décisions prises préalablement, dans les temples égyptiens chaque cinquième, neuvième et vingt-cinquième jour du mois; cf. IProse 8, l. 26 (exemplaire du décret provenant de Momemphis) et IProse 9, ll. 33-34 (exemplaire de Tanis). D'autre part, les offrandes mensuelles déposées régulièrement par les membres de l'association des basilistai/ sur l'île de Sehel, au temps de Ptolémée VIII, sont mentionnées dans l'inscription IThSy 303, l. 11-15: ka<i\ t>a\ pro\j qusi/aj kai\ sponda\j e)some/naj e)n th=i suno/dwi kata\ prw/taj e)na/taj tou= mhno\j e(ka/stou kai\ ta\j a)/llaj e)pwnu/mouj di' e(ka/stou ei)senhgegme/na xrh/mata.

4-5.Les ta\ oi)kh/mata (sans doute avec le terrain sur lequel ils se trouvaient) qui appartenaient à l'association des sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai/ n'étaient pas exploités directement mais donnés à bail. Des cas de bail de biens immobiliers appartenant à différentes associations professionnelles et religieuses grecques sont recueillis par M. San Nicolò, Vereinswesen I, p. 151 avec note 1 et p. 185. Il faut signaler l'existence d'un intéressant document parallèle à notre inscription, à savoir IG XII 3, 327, un texte provenant deThéra, dans lequel il est dit que Ptolémée III Évergète avait offert à la garnison de Théra des terres o(/pwj e)/xwsin e‡j te ta\j qusi/aj kai\ to\ a)/leimma dapana=n. Au III s. av. J.-C., les militaires de la garnison ptolémaïque de Théra formaient une association des basilistai/; cf. IG XII 3, 443.

6.         Qe/wroj ı flereu/j mentionné dans l'inscription était vraisemblablement prêtre au service de l'association des sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai/. Sur les prêtres dans les associations professionnelles et religieuses égyptiennes voir

M. San Nicolò, Vereinswesen II, p. 58 et 67-70.

6-7.Le terme sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai/ désigne sans doute une et non pas deux associations: « Association pour l'exercice du culte royal sous la protection des Dioscures ».

Le terme sunbasilistai/ n'est attesté pour l'Égypte ptolémaïque que par cette inscription. Les sunbasilistai/ sont certainement identiques aux basilistai/ qui sont connus sur l'île de Sehel aux environs de la première cataracte (IThSy 306, règne de Ptolémée VIII), à Paphos à Chypre (Oberhummer, Sitzungsber. d. Münchner Akad. 1888, p. 324, no. 11) ainsi qu'à Théra (IG XII 3, 443, première moitié du III s. av. J.-C.). On connaît aussi des i)lobasilistai/; cf. P.Tor.Choachiti 11bis, 4 (Thèbes, 119 av. J.-C.) et E. Van't Dack et alii, The Judaean-Syrian-Egyptian Conflict of 103-101 B.C. [= Collectanea Hellenistica 1], Brussel 1989, p. 39-49, no. 1, l'adresse sur le verso (Hermonthis, 103 av. J.-C.). Les (sun)basilistai/ formaient une société pour l'exercice du culte royal associé au culte d'autres divinités; sur l'île de Sehel, il s'agissait de divinités locales de la première cataracte, alors qu'à Théra il était question de Sarapis, Isis et Anubis. Les adhérents de l'association des basilistai/ de l'île de Sehel, sous le règne de Ptolémée VIII, se recrutaient uniquement parmi les soldats et les officiers de la garnison locale; il en était sans doute de même des basilistai/ attestés dans les domaines ptolémaïques d'outre-mer, à Chypre et à Thera. Les i)lobasilistai/ constituaient, eux aussi, une association de type professionnel regroupant uniquement des militaires. Pour ce qui est du cas étudié, nous n'avons aucun indice concernant la structure sociale et professionnelle de l'association des sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai\ de notre inscription. Sur l'association des (sun)basilistai/ voir, San Nicolò, Vereinswesen I, p. 26-27 (présentation des associations de caractère cultuel) et p. 201 (présentation des associations militaires); M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques II, p. 1026-1030.

Pour l'Égypte ptolémaïque, le terme Dioskouriastai/ n'est attesté que par cette inscription. Mais les Dioskouriastai/ apparaissent comme corps honorant dans quelques inscriptions de Rhodes et de la Pérée rhodienne, datées de la seconde moitié de la période hellénistique: Chr. Blinkenberg, Lindos II, no. 285; W. Blümel, I.K. 38 [Rhodische Peraia], 556 (de Kédréai); W. Peek, Inschriften von den dorischen Inseln [= Abh. Leipzig 62.1], no. 46, ll. 11-12 (de Télos). Seulement là, il s'agit d'une association pour le culte des Dioscures qui n'était sans doute aucunement liée à nos sunbasilistai\ kai\ Dioskouriastai/.

[A.Ł.]


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