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67. ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE SÔSIBIOS

Département de l'Art antique, inv. 198803.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Vue au début du XX s. par Th. Reinach chez un antiquaire à Gizeh. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 919), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. Le monument provient très certainement d'Égypte, mais il est impossible d'établir sa provenance exacte.

Marbre blanc-bleu. Stèle à fronton mouluré avec acrotères; au bas de la pierre un tenon permettant de fixer le monument sur un support; conservée intacte; h. 61 cm, l. 28 cm, ép. 7,5 cm; la face de la pierre polie, les bords taillés mais non polis, le dos travaillé grossièrement. L'inscription est gravée en haut du marbre, juste au-dessous du fronton; toute la partie inférieure de la stèle est restée anépigraphe. Gravure très délicate et très soignée. Lettres de petite taille (0,6 - 0,7 cm); traces de saleté à l'intérieur des lettres.

D'après la pierre dans le commerce des antiquités en Égypte, Th. Reinach, REG 16 (1903), p. 182. D'après la pierre sur le marché des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle le monument avait été acheté pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 164-165, no. 12. D'après la pierre à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Se-mester 1913, p. 4, no. 2. D'après les précédents et une photo, Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 699. D'après la pierre au Musée National de Varsovie, Sadurska, RMNW 4 (1959), p. 198-199, no. 7, fig. 8. D'après une photo de la pierre au Musée National deVarsovie, É. Bernand, Inscriptions métriques, p. 47-49, no. 3, pl. LXI (F. Chamoux dans: Mélanges offerts à Jean Vercoutter, Paris 1985, p. 47-48).

Cf. M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques I [1949], p. 225; II [1950], p. 1144. M. Jameson, Hesperia 27 (1958), p. 124, no. 4 (fait un rapprochement entre la l. 4 et une épitaphe de Karpathos). J. et L. Robert, Bull. épigr. 1959, 289 (sur la publication de Jameson). H. W. Pleket, SEG XXXV 1683 (sur la publication de Chamoux). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 158-159, no. 71 (bibliographie).

Haute époque hellénistique, d'après la paléographie.

to\ pri\n e)gw\ nai/wn Libu/hj pe/don e)nqa/de kei=mai

Ma/gnhj t¡ ei)mi\ ge/noj kou)/noma Swsi/bioj

Plou/twno/j te do/mouj kai\ Fersefo/nhj kuanaugei=j,

4 Mi/nw su/nqwko/j d¡ ei)mi\ par¡ eu)sebe/sin.

a)lla\ su/ moi, parodi=ta, prosaudh/saj me/ga xai/rein

mhqe\n tarbh/saj a)sfale/wj a)/piqi.

3. Reinach transcrit --TANAUTEIS et restitue [ka]t' a)nau(g)ei=j || 4. Mi/n%Reinach | d' ei)mi/ Reinach, Rubensohn, Weißbrodt, Peek, Sadurska, Bernand, g' ei)=mi Chamoux

Moi, qui auparavant habitais la plaine de Libye, je repose ici, Magnète d'origine, et du nom de Sôsibios. Dans les sombres demeures de Pluton et de Perséphone, je siège auprès Minôs chez les bienheureux. Mais toi, passant, après m'avoir salué à haute voix, sans rien craindre éloigne-toi en toute sûreté. (É. Bernand)

L'auteur du poème oppose l'ancienne demeure du défunt à l'endroit où il repose, un motif souvent exploité dans la poésie funéraire; cf. commentaire de l'inscription 20, ll. 1-2. Le mot Libu/h désigne ici la Cyrénaïque dont le paysage est dominé par de vastes plaines étendues sur des terrasses rocheuses. Ces « plaines de Libye » constituent un topos que l'on retrouve dans toute la littérature antique; cf. Pindar, Pyth. 4, 259 et 5, 52; D. Page, Poetae Melici Graeci 985, Fragmenta adespota 67 b, ll. 14-15; Constantinus et Manasses, Compendium Chronicum, l. 3178.

L'ethnique Ma/gnhj, sans aucune précision, est équivoque. Il peut se rapporter soit à une personne originaire d'une des villes du nom de Magnésie (Magnésie sur le Méandre, Magnésie de Sipyle) soit à un habitant de Magnésie en Thessalie orientale, contrée du littoral, s'étendant à partir du fleuve Peneios jusqu'au golfe Pagasétique. Il n'existe point d'arguments qui puissent témoigner d'une manière absolument certaine en faveur d'une de ces identifications. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques II, p. 1144, était d'avis que le défunt Sôsibios était originaire de Thessalie et, en répétant l'opinion de Rubensohn, il le prenait pour le soldat d'un des premiers Ptolémées. Selon Chamoux, Sôsibios était originaire de Cyrénaïque mais sa famille venait d'une des Magnésies, peut-être de Magnésie en Thessalie.

3-4.Le second distique du poème se construit difficilement avec le premier, et l'accusatif do/mouj reste inexplicable. Peut-être, comme l'a remarqué Peek (voir son apparat critique), entre l'actuel premier distique et le second, se trouvait-il à l'origine un autre distique dans lequel il était dit où séjournait à ce moment-là l'âme du défunt. La proposition de Chamoux -g¡ ei)=mi - explique l'accusatif do/mouj mais reste inacceptable du point de vue sémantique. En effet, puisque le défunt (ou plutôt son âme) n'a pas encore rejoint la demeure de Pluton et de Perséphone, où est-il depuis sa mort jusqu'à son départ pour la maison d'Hadès?

L'adjectif kuanaugh/j apparaît dans É. Bernand, Inscriptions métriques, no. 43, 1 (de Tell el-Yehoudieh) comme épithète de la tombe. Dans Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 844, 3 (de Paros) il se rapporte peut-être, comme dans notre inscription, à la demeure des maîtres du domaine souterrain (Peek publie seulement nai/ei d¡ ou) Lh/qhj kuanau[ge/a mais, dans l'apparat critique, il suggère la restitution: kuanau[ge/a dw/mat¡ e)pelqw/n]?).

Comme le remarque É. Bernand, l'épitaphe de Sôsibios fournit la plus ancienne occurrence du mot su/nqwkoj qui, à part cette inscription, n'est attesté que dans les textes de la basse Antiquité. Le défunt siégeant aux côtés de Minôs qui rend les jugements dans le monde souterrain est un motif très original dans la poésie funéraire. Jameson, Hesperia 27 (1958), p. 124, no. 4 suivis par J. et L. Robert, Bull. épigr. 1959, 289 rapproche une épitaphe de Karpathos: %(j ga/r te Mei/nwj kai\ ÑRada/manquj oi( Krh=tej au)tou= para\ qro/noisin e(dra/shj (= e(dra/seij) de/maj. Th. Reinach est d'avis que cette image peut renvoyer à la profession de Sôsibios qui était juriste de son vivant. Le fait que Sôsibios soit reconnu « assesseur » de Minôs pourrait témoigner de l'héroïsation du défunt.

5.         Sur la pratique de salutations adressées au défunt (généralement à haute voix) par des personnes qui passaient devant sa sépulture, cf. Chamoux, op. cit., p. 49-50.

[A.Ł.]


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