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66. DÉDICACE DU LOCAL DES TISSERANDS D'ABYDOS

Département de l'Art antique, inv. 198804.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Parvenue à la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 1061) avant 1913. Depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient très certainement d'Égypte, vraisemblablement d'Abydos (cf. ligne 2 de l'inscription).

Calcaire blanc crème. Plaque quadrangulaire, s'élargissant légèrement en haut à droite; h. 36,5 cm, l. 39 cm, ép. 7,1 cm; face avant de la plaque très fortement érodée et ébréchée sur les bords; son état de conservation dénonce une action prolongée de facteurs atmosphériques (eau ?); la face arrière soigneusement taillée et bien conservée. Le champ épigraphique divisé au moyen de lignes horizontales gravées; distance entre les lignes: 3,5 - 3,8 cm. Gravure peu profonde mais assez soignée. H. des lettres varient entre 2,0 cm (omicron) et 3,0 cm (lambda).

D'après la pierre à Braunsberg, S. de Ricci, Rev. épigr. 1 (1913), p. 146, no. 6: copie, transcription en minuscule (F. Bilabel, SB IV 7290).

Cf. M. San Nicolò, Vereinswesen II, p. 58, note 1 (sur lesw/nhj). M. Peachin, Roman Imperial Titulature and Chronology [= Studia Amstelodamensia ad epigraphicam, ius antiquum et papyrologicam pertinentia 29], Amsterdam 1990, p. 356 (sur la date). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 158, no. 69 (bibliographie).

25 juin 257 ap. J.-C.

to/poj gerdi/wn

[a)]po\ )Abu/dou o( poi-

hqei\j e)pi\ ÑIe/rako[j]

4 p?? (e)/touj) d //

lesw/n[o]u

Ou)alerianw=n

Gallihnw=n Seba-

stw=n )Epei\f Øa?

8 e)p¡ a)gaqw=i.

2. a)po\ de Ricci (Bilabel) || 3. ÑIe/rakoj de Ricci (Bilabel) || 4. Plesw/nou Bilabel | L pierre

Local des tisserands d'Abydos aménagé sous Hiérax lésônès. L'an 4 des Valériens Galliens Augustes, Epeiph 1, pour le bien.

1.         Sur le terme to/poj dans les sources grecques d'Égypte cf. É. Bernand, « To/poj dans les inscriptions grecques d'Égypte », ZPE 98 (1993), pp 103-110. La signification de ce terme peut varier sensiblement en fonction du contexte: dans un sens large c'est une unité d'organisation de l'espace (cité, village, voire quelques ou quelques dizaines de villages, parcelle de terre, endroit indéterminé, environs), dans un sens étroit: une construction ou partie d'une construction (temple, puis aussi église ou monastère chrétien, tombe, édifice public, maison individuelle, salle, pièce). On connaît un certain nombre d'occurrences de l'expression to/poj + nom de profession au génitif pluriel; cf. SEG XXIX 1653: to/poj skl?h?ro(urgw=n) (graffite sur le mur du temple septentrional à Karanis); IFayoum II, no. 71: to/poj tw=n a)po\ Pto[le]mai/doj tek[to/n]nwn pres[b]ute/[r]wn (Ptolémaïs Hermiou); IFayoum II, no. 109: to/poj suno/dou xhnoboskw=n (colonne trouvée dans la cour du temple de Pnéphérôs à Théadelphie); IFayoum II, no. 134: to/poj suno/dou gewrgw=n i)di/wn (dit-on d'Euhémeria). Dans ce contexte le terme to/poj désigne la propriété d'une association re-groupant les personnes de même profession; le plus souvent il s'agit là du lieu où se tiennent les réunions de cette association. Pour les généralités sur les lieux de réunions des associations cultuelles et religieuses dans l'Égypte gréco-romaine voir, C. Roberts, Th. C. Skeat, A. D. Nock, HThR 29 (1936), p. 75-78; Fr. de Cénival, Les associations religieuses en Égypte d'après les documents démotiques [= Bibliothèque d'Étude 46], Le Caire 1972, p. 177-178. A l'époque ptolémaïque, les membres de différentes associations se retrouvaient en règle générale dans des lieux publics: dans un temple, un dromos du temple, devant la statue d'une divinité, etc. À l'époque Impériale, les associations possédaient des locaux destinés à cet effet ou bien disposaient de locaux aménagés exprès dans des maisons privées ou des temples. Puisque to/poj gerdi/wn a)po\ )Abu/dou fut aménagé sous la direction de plesw/nhj, fonctionnaire rattaché à un temple (sur le sens du terme lesw/nhj voir infra, commentaire de la l. 4), on peut supposer qu'il s'agissait d'un local dans un des temples à Abydos mis à disposition de l'association locale de tisserands.

Pour le terme ge/rdioj voir E. Wipszycka, L'industrie textile dans l'Égypte romaine [= Archiwum Filologiczne 9], Wrocław - Warszawa - Kraków 1965, p. 102. Ce terme est le plus fréquent parmi ceux qui désignent les tisserands. Il apparaît pour la première fois dans des textes datant du III s. av. J.-C. et reste en usage jusqu'à la période arabe. D'après Wipszycka, « il désigne aussi bien le tisserand qui fabrique des vêtements de lin que celui qui fabrique des vêtements de laine ».

4.         plesw/nhj transcrit de l'égyptien p3-mr-sn. Le terme apparaît dans les sources grecques normalement sans article comme lesw/nhj, lesw=nij ou lasa=nij; la forme avec l'article ne figure que dans la présente inscription. Sur le terme lesw/nhj voir W. Spiegelberg, « Der Titel LESWNIS», Rec. Trav. 24 (1902), p. 187-189; W. Otto, Priester und Tempel im hellenistischen Ägypten. Ein Beitrag zur Kulturgeschichte des Hellenismus I, Leipzig-Berlin 1905, p. 39 et 49; P. Roussel, REG 29 (1916), p. 173-180; San Nicolò, Vereinswesen II, p. 58 et 67; de Cénival, Associations, p. 154-159; G. Vittmann, Der demotische Papyrus Rylands 9, Teil II: Kommentare und Indizes [= Ägypten und altes Testament 38], Wiesbaden 1998, p. 12-14. Le terme mr-sn apparaît dans les sources depuis l'époque de la 21e-22e dynastie. Il sert à désigner le prêtre responsable de l'administration du temple (organisation des apports ou livraisons, organisation du culte); son homologue grec serait ici a)rxiereu/j ou prosta/thj. Le terme mr-sn (lesw/nhj) est employé très souvent dans le contexte de diverses associations professionnelles et religieuses. Il est légitime de penser que les différentes associations avaient dans les temples leurs mr-sn (lesw/nhj) responsables de l'organisation du culte qui constituait toujours un facteur important d'intégration des membres de l'association. Quelquefois le mr-sn (lesw/nhj) était élu président de l'association. La fonction de mr-sn (lesw/nhj) était attribuée par élection et pour un temps limité, le plus souvent pour un an. Le lésonès Hierax de notre inscription était sans aucun doute fonctionnaire de l'association professionnelle et religieuse des tisserands d'Abydos, en exercice de cette fonction en l'an 4 du règne des Galliens. Sur les associations professionnelles des tisserands dans l'Égypte gréco-romaine voir M. San Nicolò, Vereinswesen I, p. 101-110. mr-sn (lesw/nhj) de l'association de tisserands est attesté par le papyrus démotique P.Erbach (Djême, ca. 250-100 av. J.-C.); cf. W. Spiegelberg, ZÄS 42 (1905), p. 44, l. 4.

4-7.Selon Bureth, Titulatures, p. 118, la titulature Ou)alerianoi\ (kai\) Gallihnoi\ Sebastoi/ n'est attestée que dans cette inscription et dans SB I 776 (l'an 7). L'auteur date notre inscription à tort de l'an 7, ce qui peut amener à conclure que cette titulature n'apparaît qu'en l'an 7 de Valérien, Gallien et Valérien César. En réalité cependant, comme en témoigne l'inscription ici étudiée, celle-ci était déjà en usage en l'an 4. L'information erronée de Bureth est répétée par Peachin, loc. cit.

[A.Ł.]