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81. ÉPITAPHE DE DRAKON, FILS D'APION

Département de l'Art antique, inv. 198766.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Au début du XX s. vue par Otto Rubensohn dans le commerce des antiquités en Égypte. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg, depuis 1947 au Musée National de Varsovie. Compte tenu de l'iconographie et du style du relief, la pierre doit provenir de Kom Abou Billou (Térénouthis) dans le Delta occidental.

Calcaire brun clair. Dalle rectangulaire sur laquelle est représentée une « stèle » légèrement cintrée avec une scène de banquet funéraire; le lit et le défunt sont représentés en relief dans le creux, les autres éléments sont gravés; dimensions de la dalle: h. 33 cm, l. 30 cm, ép. 5,5 cm; bords de la dalle ébréchés, surface de la pierre effacée à quelques endroits. Un homme couché à droite sur un lit muni d'un matelas et de pieds posés sur une ligne qui représente le sol. Il est vêtu d'un long chiton et d'un manteau couvrant l'épaule gauche et les jambes. L'homme s'appuie du coude gauche sur deux coussins, sa main gauche repose sur la poitrine. De la main droite en semi-flexion il tient un objet (Kiss voit ici une patère). Au pied du lit, à gauche, une plante à longue tige ondulée monte en s'incurvant au-dessus du défunt. Entre les pieds du lit on voit, de droite à gauche, une amphore sur un support, une table ronde à trois pieds, une gerbe de blé esquissée schématiquement. L'inscription est gravée sur la dalle au-dessous de la « stèle ». Gravure peu soignée rappelle le graffito. H. des lettres 0,6 - 1,5 cm. Au bas de la « stèle », sur une bande représentant la ligne du sol, une inscription moderne à l'encre noire « Beihilfe der Provinz».

D'après la pierre vue dans le commerce des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle le monument avait été acheté pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 167, no. 20. D'après la pierre au Musée National de Varsovie, J. Kubińska, « Une pierre funéraire de Terenouthis (Égypte) au Musée National de Varsovie », Eos 68 (1980), p. 147-150 avec photo (H.

W. Pleket, SEG XXX 1769). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, W Godlewski, RMNW 29 (1985), p. 245-246, fig. 6. D'après la pierre au Musée National de Varsovie, Z. Kiss dans: CSIR-Pologne II 1, p. 61-62, no. 63, pl. 37.

Cf. A. J. Reinach, REG 23 (1910), p. 338 (sur la publication de Rubensohn). W. Godlewski, Sztuka koptyjska. Muzeum Narodowe w Warszawie (L'art copte. Musée National de Varsovie), Warszawa 1984, p. 17, no. 1, fig. 1. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 160, no. 86 (bibliographie).

IIIe s. ap. J.-C., d¡apra(s les crita(res stqlistiques du relief

Dra/kwn )Api/wnoj xrhste\ i)lo/

te[kne i)]lo/pile ...j e)tw=n pent?

[h/]

konta [ ? ????

] ha[ - - - ]

1-2. i)lo/tekne Rubensohn, i)lo/te[knoj Godlewski || 2. i)lo/pile Rubensohn, f]ilopilewj Godlewski, lire i)lo/i)le || 2-3. « Hinter penth/konta kann noch eine andere Zahl gestanden haben » Rubensohn; pent[h/]konta [ - - - -Kubińska, pen-t[h/]konta [ . . . Kiss, pent[h]konta Godlewski

Drakon, fils d'Apion, excellent, aimant ses enfants, aimant ses amis, (âgé de) 50 ans [ ].

2.         Sur l'épithète i)lo/i)loj voir L. Robert, Hellenica XIII (1965), p. 41, note 3. Elle n'est pas très répandue parmi les épithètes laudatives. Elle apparaît surtout dans les épitaphes d'Égypte découvertes à Kom Abu Billou (Térénouthis) ou dans celles qui sont traditionnellement liées avec ce site. On peut en citer les occurrences suivantes: Breccia, Iscrizioni, nos. 312, 353 et 371; Hooper, Stelae, nos. 58 et 112; Wagner et alii, Stèles, nos. 126 et 149; SEG XIV 869; XXX 1764; XL 1584; IÉgLouvre, no. 99. En ce qui concerne les épitaphes connues d'en dehors de l'Égypte, il faut mentionner les cas suivants: SEG XV 164 (épitaphe chrétienne d'Attique, 504 ap. J.-C.); IG V 2, 491 (Arcadie, II-III s. ap. J.-C.); Herzog, Koische Forschungen, no. 134 (période romaine); Studia Pontica III, no. 84; TAM V 2 1087. Il faut noter que la combinaison des épithètes i)lo/teknoj i)lo/i)loj attestée par notre inscription apparaît dans quelques épitaphes de Térénouthis; cf. Hooper, Stelae, no. 112 (a)/lupoj, xrhsto/j, i)/leunoj, i)lo/teknoj, i)lo/i)loj); Wagner et alii, Stèles, no. 149 (i)lo/teknoj, i)lo/i)loj); SEG XIV 869 (i)lo/teknoj, i)lo/i)loj); IÉgLouvre, no. 99 (i)la/delfoj, i)lo/teknoj, i)lo/i)loj, a)/lupoj, xrhsto/j); voir aussi Breccia, Iscrizioni, no. 371 (i)lo/teknoj, i)logu/naioj, eu)fro/sunoj, i)lo/i)loj, a)/lupoj, xrhsto/j) et SEG XXX 1764 (i)lo/teknoj, i)la/delfoj, i)lo/i)loj).

L'indication d'âge du défunt (de la défunte) au moyen de la tournure ...w §t«n est caractéristique des épitaphes égyptiennes (en particulier celles de la Basse Égypte) de la période romaine. B. Boyaval, « Remarques sur les indications d'âges de l'épigraphie funéraire grecque d'Égypte », ZPE 21 (1976), p. 217-243, surtout p. 224-225, présente les résultats de ses calculs selon lesquels l'ex-pression ...w §t«n apparaît dans 78 % des épitaphes de Tell el-Yehoudieh, dans 25% des épitaphes de Kom Abou Billou et, sporadiquement, dans les épitaphes provenant d'autres régions. On en recense en plus de nombreuses occurrences dans les textes des étiquettes de momies (cf. B. Boyaval, « Remarques à propos des indications d'âges des étiquettes de momies », ZPE 18 [1975], p. 49-74), de même que dans les papyrus, plus particulièrement dans les textes relatifs à des personnes vivantes où elle sert à caractériser la personne, p.ex. à l'occasion d'une déclaration d'impôts. En dehors de l'Égypte, la tournure ...w §t«n n'apparaît que sporadiquement, surtout pour indiquer l'âge de personnes vivantes; cf. p.ex. Fouilles de Delphes III 6, 136; SEG XXVII 293 et 295; SEG XXVIII 545; SEG XXXIV 658; SEG XXXVI 618 (toutes les occurrences attestées en Macédoine). La définition du sens précis de l'ex-pression ...w §t«n dans les épitaphes d'Égypte fait l'objet de controverses. On sait que ...w peut signifier entre autres « environ » et « à peu près », c'est pourquoi on traduit souvent ...w §t«n par « a vécu environ tel ou tel nombre d'années », donc une approximation de l'âge. Si l'on accepte cette signification, ...w §t«n peut être expliqué de deux façons: 1) le rédacteur de l'inscription ne connaissant pas l'âge exact du défunt a arrondi le chiffre (le plus souvent on arrondit à un chiffre finissant par un 0 ou un 5); 2) le rédacteur de l'inscription connaissant l'âge exact du défunt (nombre d'années, de mois et de jours) a néanmoins donné un chiffre arrondi à une année complète. De surcroît, ...w est employé parfois dans les situations où l'âge de la personne défunte ne fait pas de doute et est exprimé par un chiffre exact; cf. p.ex. IÉgLouvre, no. 59 (sans doute de Térénouthis): Fani/aj ...j (e)tw=n) gÄ, mhnw=n dÄ. Dans ces cas-là, il faut admettre sans hésiter que l'expression ...w n'est qu'un ornement stylistique sans aucune signification particulière. Il n'est pas exclu que cette dernière explication s'applique à tous les cas d'emploi de ...w§t«n dans les épitaphes d'Égypte. Pour notre part, nous traiterons ...j e)tw=n et e)tw=n comme équivalents. Pour l'emploi de ...j dans les indications d'âge du défunt dans les inscriptions de Léontopolis, voir aussi Horbury-Noy, p. 107 (commentaire de l'inscription 41).

3.         Après le chiffre indiquant l'âge du défunt on attendrait la date de sa mort. On a donc tenté de suppléer: [e)/touj] (or [(e)/touj)]) hÄ ÑA[qu/r + un numéral] mais rien ne peut être sûr, compte tenu de l'état fragmentaire de cette partie de l'inscription. Par ailleurs, il faut avouer l'impossibilité de répondre avec certitude à la question de savoir si après penth/konta l'inscription a vraiment été endommagée ou il s'agit d'un vacat de trois lettres.

[A.T.]


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