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96. ÉPITAPHE DE THÉCLA

Département d'Art de l'Orient chrétien, inv. 198727.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Parvenue à la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg avant 1913 (no. d'inv. 1143), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. La pierre provient très certainement d'Égypte, mais il est impossible de préciser cette provenance.

Marbre blanc. Plaque; h. 19 cm, l. 31,8 cm, ép. 4 cm; coin supérieur gauche brisé; ébréchures sur les bords. L'inscription est délimitée par un cadre. Dans les lettres ainsi que dans le tracé du cadre, des restes évidentes de peinture rouge. Lettres lunaires. Alpha à barre brisée, la haste droite de l'alpha et du delta prolongée en haut, le trait médian de l'epsilon est très long, les traits extérieurs du mu recourbés vers l'extérieur et reliés par un arceau, l'upsilon en forme de chevron (sans le trait vertical), l'oméga plus petit que les autres lettres. H. des lettres: 1,2 - 2,6 cm, h. moyenne d'interligne: 1,3 cm.

D'après la pierre à Braunsberg, S. de Ricci, Rev. épigr. 1 (1913), p. 151, no. 18: transcription en majuscules et en minuscules (F. Bilabel, SB IV 7302).

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 161, no. 104.

VI-VII s.

€ ei)koimh/qh e)n

X(rist)%= ÉI(hso)Ë kai\ énapaÊ

sewj th\ makari/a

4          Qe/kla mhno\j

ÉEpei\f idÄ, i)ndik(ti/wnoj) b//.

1. e)koimh/qh Bilabel, lire e)koimh/qh || 5. indik/ pierre

Dans Jésus-Christ et dans le repos éternel s'est endormie d'heureuse mémoire Thécla le 14 du mois Epeiph, de la deuxième indiction.

1-3.Le début de l'inscription est syntactiquement illogique; en effet, pour que la phrase soit correcte, il aurait fallu mettre: e)koimh/qh e)n Xrist%= )Ihsou= kai\ )napau/sei h( makari/a Qe/kla ktl. Les fautes s'expliquent difficilement du point de vue de la grammaire. Il semble qu'il s'agisse ici d'une erreur du rédacteur de l'inscription ou de celle du graveur. Ce lapsus est peut-être dû à une contamination de deux formules épigraphiques, p.ex. e)koimh/qh e)n Xrist%= )Ihsou= et o( qeo\j th=j )napau/sewj, or h(me/ra th=j )napau/sewj, très bien connues dans l'épigraphie grecque chrétienne d'Égypte. Quant à th/ avant makar¤a, S. de Ricci, loc. cit., et après lui, F. Bilabel, loc. cit., voyaient ici une forme d'article féminin analogue à celle qui existe dans certains dialectes du grec moderne. Il est cependant beaucoup plus vraisemblable de voir ici un article féminin copte t (ti), transcrit comme th. Mais on ne peut pas non plus exclure avec certitude une erreur de rédaction ou d'exécution.

Pour la substitution de « ei» à « e » (ei)koimh/qh pour e)koimh/qh) voir Gignac, Grammar I, p. 256-259. Elle est attestée par de rares exemples, en règle générale dans un contexte phonétique bien particulier (avant les voyelles postérieures, avant les nasales, avant s/z, avant les liquides). Aucune de ces circonstances n'intervient ici, voir cependant deika/thj (pour deka/thj) dans P.Princ. 92, 2 (VI/VII s. ap. J.-C.).

4.         Le nom Qe/kla était très répandu dans le monde chrétien de la basse Antiquité, y compris en Égypte (de nombreuses occurrences recueillies dans Preisigke, Namenbuch; Foraboschi, Onomasticon, s.vv. Qe/kla, Qe/kkla, Te/kla, Tae/kla), en raison du culte de trois saintes de ce nom et, en particulier, de celui de sainte Thécla d'Iconium, martyre du I siècle ap. J.-C. L'importance de son culte en Égypte était telle qu'on lui rendait hommage en même temps qu'au saint national, Ménas, dans le sanctuaire de ce dernier à Abou Mena, à l'ouest d'Alexandrie, sans compter de nombreuses représentations de la martyre en peinture et en sculpture. Au sujet du culte de sainte Thécla en Égypte, voir S. J. Davis, « Pilgrimage and the Cult of Saint Thecla in Late Antique Egypt » dans: D. Frankfurter (ed.), Pilgrimage and Holy Space in Late Antique Egypt [= Religions in Graeco-Roman World 134], Leiden - Boston - Köln 1998, p. 303-339; P. du Bourguet, « Christian Subjects in Coptic Art: Thecla, Saint » dans: The Coptic Encyclopedia 2 [1991], p. 540-541. Arietta Papaconstantinou, Le culte des saints en Égypte des byzantins aux Abbasides. L'apport des inscriptions et des papyrus grecs et coptes, Paris 2001, p. 92-95. Sur la popularité du nom Thécla en Égypte voir S. J. Davies, « Namesakes of Saint Thecla in Late Antique Egypt », BASP 36 (1999), p. 71-81.

[A.Ł.]


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