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72. ÉPITAPHE MÉTRIQUE DE SÉRAPOUS

Département de l'Art antique, inv. 198837.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Au début du XX s. vue par Dattari, puis par Rubensohn dans le commerce des antiquités en Égypte. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 908), depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Calcaire blanc à surface grisâtre. Plaque rectangulaire légèrement rétrécie dans la partie supérieure avec une représentation en bas-relief d'une femme allaitant un enfant; h. 64 cm, l. 34 cm, ép. 12,7 cm; bords de la plaque ébréchés; surface de la pierre érodée, surtout dans la partie inscrite. La représentation de la femme située dans un champ évidé à sommet arrondi occupé par une conque renversée. Sur un large trône à haut dossier, une femme assise avec un enfant sur les genoux. La femme est vêtue d'un long chiton qui touche le sol et d'un himation. Son sein gauche est découvert. Sa main gauche soutient la tête de l'enfant alors que la droite donne à téter au petit. Complètement nu, l'enfant est assis sur le genou gauche de sa mère, sa main droite est levée vers le sein. L'inscription est gravée au-dessous du bas-relief. Traces bien visibles de réglage déterminant le haut et le bas des lettres. Gravure peu soignée. Dans la partie initiale du texte de l'inscription les lettres sont grandes et espacées, dans la suite du texte, l'écart entre les lettres diminue et celles-ci deviennent de plus en plus petites. H. des lettres 1,1 - 1,5 cm.

D'après une copie de G. Dattari « faite à la hâte et à la lueur d'un cierge », G. Arvanitakis, Bull. Inst. Égypt. 4 (1903), p. 488-491. D'après la pierre sur le marché des antiquités en Égypte avec une notice selon laquelle le monument avait été acheté pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, comme inédite, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 168-169, no. 24. D'après la pierre à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 7-8, no. 8. À partir d'une photo de la pierre au Musée National à Varsovie, É. Bernand, Inscriptions métriques, p. 236-238, no. 57, pl. LXVI (V. Tran Tam Tinh, Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d'Isis allaitante Harpocrate [= Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain 37], Leiden 1973, p. 29). D'après la pierre au Musée National de Varsovie, Z. Kiss dans: CSIR-Pologne II 1, p. 58-59, no. 59, pl. 36, avec un commentaire archéologique.

Cf. A. J. Reinach, REG 23 (1910), p. 338 (note sur la publication de Rubensohn). A. Greifenhagen, Arch. Anz. 1933, col. 452-453, no. 18, fig. 31. SEG VIII 804 (sur la publication de Greifenhagen). K. Michałowski, Sztuka starożytna. Muzeum Narodowe w Warszawie, Warszawa 1955, p. 180 (mentionne que l'inscription est au Musée National de Varsovie). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 159, no. 76 (bibliographie).

II s. ap. J.-C. d'après les critères stylistiques du relief

Ai)w\n khru/cei th\n filo-

mh/tora kai\ fila/del-

fon. su\n te/kn% t¡ e)m-

4       %= kei=mai, w(j qe/mij e)sti/n,

me/sh te mhtro\j kai\ a)del-

fou=. kai\ a)delfou= ei)mi\ kh/ru-

gma me/giston, w(=n kai\ h( sw-

8       frosu/nh kata\ to\n ko/smon le-

la/lhtai. Sera[p]o?u=j že)tw=nŸ ka /, ÑIe/rac

že)tw=nŸ a /, m??hnw=n e /.

1-3. Filomh/tora, Fila/delfon Rubensohn || 4. w(j qe/mij . . . . Arvanitakis avec suggestion qu'il faut restituer [e)sti/n] || 6-8. kai\ a)delfou= ei)mi\ kh=ruj. Ga/la me/giston, ou(= kai\ swfrosu/nh kai\ a)/kron ko/smou lalei=tai, « Je (Isis) suis le héraut de mon frère (Osiris), (je suis) le très grand lait dont la sagesse est réputée jusqu'au bout du monde » Arvanitakis; {kai\ a)delfou=} ei)mi\ kh/rugma me/giston Berenand || 9. Se/basma panaki/aj « objet de vénération pour être la panacée » (sic) Arvanitakis; Seratou=j Schubart chez Rubensohn, Weißbrodt || 10. L a )Antwni/nou Arvanitakis; LD . . NEIWNE?º?U? Schubart chez Rubensohn, Weißbrodt; (e)/touj) Kiss sans doute par erreur; peut-être y avait-il à l'origine une autre ligne du texte (11), aujourd'hui complètement effacée

Aiôn proclame celle qui fut une fille et une soeur aimante. Je repose avec mon enfant, comme c'est la coutume, entre ma mère et mon frère. Je suis la meilleure des proclamations aussi pour mon frère dont précisément la sagesse est réputée à travers l'univers. Sérapous, âgée de vingt et un ans, Hiérax, âgé d'un an, cinq mois.

Les premiers éditeurs (Arvanitakis, Rubensohn suivi de Weißbrodt) interprétaient le relief comme une représentation d'Isis allaitant son fils Horus. Fortement inspiré par la représentation, Arvanitakis a même interprété l'inscription (ce qui était tout à fait erroné) comme un texte se rapportant àla religion isiaque. Selon É. Bernand, le relief n'est qu'une illustration du texte; il représente la jeune mère Sérapous, morte à l'âge de vingt et un ans, et son petit garçon Hiérax. Kiss développe cette interprétation en indi-quant que le schéma iconographique est celui d'Isis allaitant son fils Horus mais qu'il a été réalisé ici dans un contexte funéraire et qu'il renvoie à un événement réel (la mort de Sérapous et de Hiérax). Selon lui, l'aspect funéraire de cette représentation est souligné par la présence de la conque qui symbolise la résurrection et l'immortalité.

Comme le remarque É. Bernand, la partie métrique de l'inscription (ll. 1-9) contient de nombreuses erreurs. En effet, on reconnaît un hexamètre dans la phrase initiale et dans la partie finale du texte, alors que dans le reste de l'inscription il n'y a que des éléments métriques. L'auteur du poème commence la narration d'une manière objective, à la troisième personne du singulier (ll. 1-3), il passe ensuite à la narration subjective à la première personne du singulier avec, comme sujet, d'abord la défunte Sérapous (ll. 3-6), puis la stèle portant cette inscription (ll. 6-9).

1-3.Le poème commence par l'éloge de la défunte qui est louée pour l'amour qu'elle avait pour sa mère et son frère (et son mari en même temps, cf. commentaire des ll. 5-6). L'éloge est proclamé par Ai)w/n qui est considéré ici comme une divinité, d'où la majuscule (à la différence d'É. Bernand qui traduit: « Les siècles proclameront etc. »). Aiôn apparaît rarement dans le contexte funéraire. Il n'est pas sans intérêt de signaler qu'il figure dans deuxépitaphes métriques; la première d'entre elles, originaire d'Égypte, se trouve actuellement à Milan (SEG XLII 1612, ll. 5-6: basileu\j fqime/nwn Plouteu\j to\ da/neion $)/thsen th=sde yuxh\n Ai)w=ni lalei=sqai e)/nkuon e)/?t?i?s?e?) l'autre provient de Priène (Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 560; cf. SEG XXX 1364: xru/sea d¡ Ai)w\n a)/nqea baioxro/[nwi paidi\ fu/oi kata\ gh=n]). Ces trois épigrammes semblent indiquer qu'Aiôn, divinité cosmique par sa nature, était peut-être aussi lié (par son identification avec Sarapis) avec l'univers souterrain (thèse opposée à celle de Zuntz). Sur Aiôn voir: A. Alföldi, « From the Aion Pluto-nios of the Ptolemies to the Saeculum Frugiferum of the Roman Emperors » dans: Greece and the Eastern Mediterranean in Ancient History and Prehistory. Studies Presented to Fritz Schahermayer, Berlin-New York 1977, p. 1-30; G. Zuntz, Aion, Gott der Römerreiches [= Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-Historische Klasse, 1989, 2]; idem, «Aion Plutonios (Eine Gründungslegende von Alexandria) », Hermes 116 (1988), p. 291-303. Le motif de la proclamation des mérites du défunt (khru/ttein) revient dans les épitaphes métriques; il faut citer: Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 1179, l. 3 = I.K. 23 [Smyrna I], 513 (a( la/loj e)n zwoi=si ta\ mh\ zw/onta par¡ a)?stoi=j Fa/ma karu/ssw mousoepei= sto/mati), I.K. 22.1 [Stratonikeia] 835, l. 7 (karu/ssei de\ pa/tra to\ teo\n kle/on o)y[igo/noisin]) et AP VII 274 = Peek, Gr. Vers-Inschr., no. 1180 (ou)/noma khru/ssw Timokle/oj); cf. aussi infra, ll. 6-7: kh/rugma.

Pour obtenir un hexamètre correct on doit compter khru/cei pour un dactyle. Une autre éventualité c'est l'omission de l'article th\n. Il est possible que l'auteur du poème a d'abord construit un hexamètre tout à fait correct Ai)w\n khru/cei filomh/tora kai\ fila/delfon et que seulement après il a cru indispensable d'ajouter l'article afin qu'il n'y ait pas de doute qu'il s'agit bien d'une femme.

5-6. a)delfo/j désigne très vraisemblablement le frère et en même temps le mari de Sérapous et le père de son jeune enfant Hiérax. Sur les mariages consanguins dans l'Égypte gréco-romaine, voir commentaire de l'inscription 70, ll. 1-2; sur les termes a)delfo/j, a)delfh/, voir aussi le commentaire de l'inscription 75, l. 2.

6-9.La lecture et l'interprétation que nous avons proposées ici sont celles d'É. Bernand. Le terme kh/rugma désigne très vraisemblablement la stèle qui, au moyen du texte inscrit et de la représentation en bas-relief, proclame les vertus de la défunte. Le relatif w(=n se rapporte sans doute à Sérapous et à son frère et mari.

[A.T.]


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