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56. DÉDICACE À HYPSISTOS, DIEU DEUX FOIS GRAND, POUR ÉPITYCHIA, APPELÉE AUSSI DIONYSIA, SON MARI HARPOKHRAS ET LEURS ENFANTS

Département de l'Art antique, inv. 198839.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Vue au début du XX s. par Otto Rubensohn sur le marché des antiquités en Égypte. Rubensohn signale que la pierre a été trouvée au Fayoum. La provenance fayoumique est confirmée par le dédoublement de l'épithète divin me/gaj. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 918), depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Calcaire. Plaque rectangulaire couronnée d'un large moulure; h. 35,5 cm, l. 25,5 cm, ép. 7 cm; surface de la pierre très fortement corrodée; bords ébréchés en haut et à gauche. L'inscription occupe toute la face avant de la plaque à l'exception de la moulure en haut de la pierre. Les lignes du texte s'inscrivent entre les lignes du réglage sans les toucher ni en haut ni en bas. Distance entre les lignes du réglage: 2,2 - 2,3 cm; h. des lettres: 1 cm (oméga dans la l. 2) - 2,3 cm (phi dans la l. 10). Traces de couleur rouge au fond des lettres.

D'après la pierre vue dans le commerce des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle la pièce avait été achetée pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 163, no. 10 (B. Müller, Megas Theos, Dissertation Halle 1913, p. 330, no. 179; L. Fuchs, Die Juden Ägyptens, Wien 1924, p. 128-129; J.-B. Frey, CIJ II 1532; D. M. Lewis, CPJ III 1532; É. Bernand, IFayoum III, no. 210 avec une information erronée selon laquelle l'inscription n'est pas à Varsovie). D'après la pierre à Braunsberg, Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 21-22, no. 26. D'après la photo de la pierre au Musée National de Varsovie, Horbury-Noy, no. 116, pl. XXVII. D'après la pierre au Musée National de Varsovie, A. Twardecki, « Weihinschrift für Hermes oder Suchos ? », ZPE 99 (1993), p. 197-202.

Cf. U. Wilcken dans: U. Wilcken, L. Mitteis, Grundzüge und Chrestomathie der Papyrusurkunden I 1, Leipzig-Berlin 1912, p. 129 (sur le dieu; il s'agit du qeo\j u(/yistoj judaïque nommé en égyptien me/gaj me/gaj). A. Neppi Modona, Aegyptus 2 (1921), p. 271 (sur l'appellation divine). R. Calderini, Aegyptus 22 (1942), p. 38, no. f 1 (sur le double nom de la femme du dédicant). V. Tcherikover, CPJ I, p. 95, note 4 (sur le destinataire de la dédicace; ce n'est pas un dieu juif). Ronchi, Lexicon theonymon 3 [1975], p. 705, s.v. me/gaj me/gaj qeo/j et 5 [1977], p. 1121, s.v. u(/yistoj qeo/j (sur le dieu). J. Bingen, Bull. épigr. 1994, 683 (sur la publication de Twardecki). H. W. Pleket, SEG XLIII 1113 (sur la publication de Twardecki). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 157, no. 58 (bibliographie).

3 octobre 29 av. J.-C.

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9. L pierre

Au Dieu deux fois grand, très haut, pour Épitychia qui est appelée aussi Dionysia, pour son mari Harpokhras et pour leurs enfants, en accomplissement d'un vœu. L'an 2 de César, le 6 Phaôphi. (É. Bernand)

1-2.Sur le dédoublement de l'épithète divin me/gaj voir J. Quaegebeur dans: Hommages F. Daumas, Montpellier 1986, p. 525-544. Cet usage est un emprunt direct à la langue égyptienne où il exprime le superlatif. Dans nos sources, la gémination me/gaj me/gaj apparaît presque exclusivement sur le territoire du Fayoum. Elle est en rapport avec le culte de Sobek (Souchos), divinité crocodile vénérée au Fayoum sous différents noms. Quelques exemples de cette gémination, sensiblement moins nombreux, se rapportent à d'autres divinités (Heron, Mestasytmis, Pramarrhès).

Sur appellation divine Hypsistos voir F. Cumont dans: RE IX 1 [1914], col. 444-450, s. v. « ÜUyistoj»; A. D. Nock, dans: C. Roberts, T. C. Skeat, A. D. Nock, « The Guild of Zeus Hypsistos », HThR 29 (1936), p. 55-72 = idem, Essays of religion and the Ancient World, Oxford 1972, p. 416-430; E. Goodenough, « The Bosporus Inscriptions to the Most High God », The Jewish Quarterly Review 48 (1957), p. 221-244; Yulia Ustinova, The Supreme Gods of the Bosporan Kingdom. Celestian Aphrodite & the Most High God [= Religions in the Ancient World 135], Leiden - Boston - Köln 1999, p. 177-284; A. Th. Kraabal, « Hypsistos and the Synagogue at Sardis », GRBS 10 (1969), p. 81-93; S. Sanie, «Deus Aeternus and Theos Hypsistos en Dacie romaine » dans: Hommages à Maarten J. Vermaseren [= Études Préliminaires aux Religions Orientales dans l'Empire Romain 68], Leiden 1978, p. 1092-1115; Th. Drew-Bear, Chr. Naour, ANRW II 18, 3 [1990], p. 2032-2036; S. Mitchell, « The Cult of Theos Hypsistos between Pa-gans, Jews and Christians » dans: Polymnia Athanassiadi, M. Frede (ed.), Pagan Monotheis in Late Antiquity, Oxford 1999, p. 81-148. Le superlatif u(/yistoj comme épithète divine est attesté depuis le V s. av. J.-C. Les sources, pour la plupart épigraphiques, viennent de toutes les régions du monde grec (Athènes, Macédoine, Thrace, Dacie, côtes septentrionales de la mer Noire, Asie Mineure, Syrie, Égypte). L'épithète en question fut employée pour désigner différentes divinités païennes, surtout Zeus et ses homologues d'Orient (p.ex. Baalshamin à Palmyre). Depuis la Septante, elle était utilisée également par les Juifs pour désigner leur Dieu, ce qui permettait de se conformer à l'interdiction d'employer son vrai nom Yahvé. Au temps de l'Empire, l'épithète u(/yistoj fit une carrière comme qualificatif de la divinité suprême dans les théologies solaires hénothéistes qui réunissaient des éléments païens et judaïques. Sous le nom de qeo\j u(/yistoj, attesté par de très nombreuses inscriptions, peut donc se cacher aussi bien le Dieu juif que le Zeus païen. Chaque occurrence doit être interprétée séparément; la conclusion dépend de l'analyse minutieuse du texte et du contexte culturel et historique de l'inscription.

Le fait que les épithètes me/gaj me/gaj et u(/yistoj figurent dans cette inscription l'une à côté de l'autre pose un véritable problème d'interprétation. Rubensohn pensait qu'il s'agissait là d'une dédicace au Yahvé juif, dont les auteurs étaient soit des Juifs hellénisés, soit des prosélytes soit des païens pratiquant le culte du Dieu judaïque. De même U. Wilcken était d'avis que l'inscription avait été érigée par des Juifs qui restaient sous l'influence de la religion égyptienne. L'idée du caractère juif de l'inscription est reprise aussi par J. B. Frey. Selon L. Fuchs, l'inscription traduit le syncrétisme judéo-égyptien proche par sa nature de celui des proscynèmes juifs au Panéion à el-Kanaïs (IPaneion, nos. 34, 42). En revanche, d'après Tcherikover, Lewis et É. Bernand, le dieu à qui est adressée la dédicace est un dieu païen. Tous les éditeurs et commentateurs de l'inscription mentionnés plus haut considèrent me/gaj me/gaj et u(/yistoj comme deux épithètes distinctes qualifiant un seul dieu. Cependant, en réalité, il s'agit ici très vraisemblablement d'une seule épithète me/gaj me/gaj u(/yistoj qui est une tentative de traduction de l'expression démotique c3 c3 wr. Cette expression est attestée comme épithète de Thoth (Hermès); cf. Quaegebeur, loc. cit. qeo\j me/gaj me/gaj u(/yistoj, à qui est dédiée notre inscription, est très certainement une divinité païenne: Souchos ou, ce qui est moins probable, Thoth (Hermès); cf. Twardecki, loc. cit.

6.         Sur la graphie ÑArpoxra=j, avec un «x», voir commentaire de l'inscription 47, l. 10-11.

9.         Le Caesar latin est ici considéré comme substantif de la deuxième déclinaison (Kai/saroj, Kaisa/rou). Habituellement, les mots latins appartenant à la troisième déclinaison étaient déclinés, aussi en grec, selon le schéma de la troisième déclinaison, donc Kai=sar, Kai/saroj.

[A.T.]


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