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52. DÉDICACE À HÉROS MÉGAS ÉRIGÉE PAR OI APO THS POLEWS GEOUXOI

Département de l'Art antique, inv. 198748.

Vue par Otto Rubensohn au début du XX s. sur le marché des antiquités en Égypte. Rubensohn indique que la pierre fut découverte sans aucun doute à Mehallet el-Kebir dans le Delta. Cependant André Bernand, affirmant n'avoir pu trouver une localité de ce nom sur aucune des cartes d'Égypte, suggère qu'il s'agit de Mahalla el-Kubra dans le nord-ouest du Delta. Achetée avant 1909 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 870), depuis 1947 au Musée National de Varsovie.

Granit noir. Plaque aux dimensions: h. 22 cm, l. 32,5 cm, ép. 7 cm; conservée intacte. Écriture soignée, apices. Alpha à barre brisée; hastes du nu d'égale longueur; la haste droite dans le pi plus courte que la gauche; les traits extérieurs du sigma horizontaux. H. des lettres 1 - 1,4 cm.

D'après la pierre vue sur le marché des antiquités en Égypte, G. Arvanitakis, Bull. Inst. Égypt. 4 (1903), p. 38, no. II (avec une disposition incorrecte en lignes). D'aprèsla pierre vue sur le marché des antiquités en Égypte avec la notice selon laquelle le monument avait été acheté pour le Lyceum Hosianum et se trouvait déjà à Braunsberg, O. Rubensohn, AfP 5 (1) (1909), p. 162, no. 8 (A. J. Reinach, REG 23 [1910], p. 338; Ronchi, Lexicon theonymon 3 [1975], p. 680-681, s.v. m°gaw ÜHrvw). D'après la pierre à Braunsberg, W. Weißbrodt, Verzeichnis Braunsberg, Sommer-Semester 1913, p. 21, no. 24. D'après la photo de la pierre au Musée National de Varsovie, A. Bernand, IDelta, p. 92-93 et p. 451, pl. 1, fig. 2 (R. Scholl, Aegyptus 69 [1989], p. 107).

Cf. P. Roussel dans: Mélanges Maspero II 1 [= Mémoires publiés par les membres de l'Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire 67.1], Le Caire 1934, p. 40, note 5 (remarque sur les geou=xoi; il cite ll. 2-3 après Rubensohn). K. Michałowski, Sztuka starożytna. Muzeum Narodowe w Warszawie, Warszawa 1955, p. 180 (seulement mentionnée). H. Braunert, Die Binnenwanderung. Studien zur Sozialgeschichte in der Ptolemäer- und Kaiserzeit [= Bonner Historische Forschungen 26], Bonn 1964, p. 87 (sur l'expression ofl )po\ th=j po/lewj geou=xoi). A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 158, no. 65 (bibliographie).

Seconde moitié du II s. av. J.-C., d'après la paléographie.

ÜHrwi mega/lwi kai\ toi=j

sunna/oij qeoi=j ofl )po\ th=j

po/lewj geou=xoi: e)/touj-

4 e)na/tou, Paxw\n w ke

Au Grand Héros et aux dieux honorés dans le même temple, les propriétaires terriens de la ville (ont dédié cette stèle), la 9 année, le 25 jour du mois Pakhôn. (A. Bernand)

1. Sur le culte des héroi voir A. D. Nock, « The Cult of Heroes », HThR 37 (1944), p. 141-174 = idem, Essays on Religion and the Ancient World, Oxford 1972, p. 575-605. L'auteur distingue deux groupes de héroi: 1) mortels défunts et héroïsés; 2) divinités de second rang vénérées sur un territoire donné par un groupe limité de personnes. Dans le cas étudié, nous avons sans aucun doute affaire à la seconde signification du terme « héros ». Toutefois, l'insuffisance de données ne permet pas de répondre plus précisément à la question de savoir de quelle divinité il s'agit. A. Bernand, IDelta, p. 93, optait pour Agathodaimon, divinité protectrice d'Alexandrie. Cette interprétation semble cependant tout à fait arbitraire. Étant donné que le culte des héroi est un phénomène typiquement grec, la seule certitude que l'on puisse avoir est que ÜHrwj me/gaj de notre inscription était une divinité grecque ou hellénisée et non pas une divinité égyptienne. Elle était vénérée par une association des propriétaires terriens d'Alexandrie (?), il s'agissait donc peut-être d'une divinité protectrice de cette association. ÜHrwj désignant une divinité revient très rarement dans les sources grecques d'Égypte. En dehors de l'inscription ici étudiée, ce terme figure encore dans: IFayoum III, no. 154 (où il désigne très vraisemblablement le Héron thrace).

2-3.Le terme geou=xoi désigne les propriétaires terriens par opposition aux gewrgoi/ qui cultivent directement la terre. Dans l'Égypte ptolémaïque le terme geou=xoi se rapporte en premier lieu à des propriétaires de klh=roi autrement dit de parcelles de terre concédées par le roi en récompense du service militaire. Conformément aux relations agraires traditionnelles dans l'Égypte ptolémaïque, les geou=xoi de notre inscription n'habitent pas dans leurs domaines et ne cultivent pas la terre mais résident « en ville ». Ce terme désigne peut-être Alexandrie qui, pour la population grecque de l'Égypte ptolémaïque, était une ville par excellence, mais on ne peut pas exclure qu'il s'agisse d'une capitale de nome. Les ofl )po\ th=j po/lewj geou=xoi formaient vraisemblablement une association professionnelle et religieuse (« association de propriétaires terriens sous la protection du Héros megas » ?). Les associations de propriétaires terriens et d'agriculteurs sont bien attestées pour l'Égypte de la deuxième période ptolémaïque et du haut Empire; cf., Breccia, Iscrizioni, no. 131: sÊn-odow t«n sungeou/xwn (provenance inconnue); IFayoum II, no. 134: su/nodoj gewrgw=n i)di/wn (Euhémeria dans le Fayoum); IDelta, p. 881-931: association dont les membres sont désignés une fois comme geou=xoi, une autre fois comme sugge/wrgoi (Psénemphaia [Kôm Truga] dans le Delta occidental, 5 av. J.-C.); Breccia, Iscrizioni, no. 52: su/nodoj gewrgw=n Kai/saroj (Alexandrie, 23/24 ap. J.-C.); pour les généralités sur les associations d'agriculteurs en Égypte, voir San Nicolò, Vereinswesen I, p. 143-194; O. Guéraud, BSAA 32 (1938), p. 23-26; IDelta, p. 451-454. Selon l'information fournie par Rubensohn (cf. lemme), l'inscription ici étudiée fut découverte dans une zone rurale (en termes antiques: dans la chora). Ce fait semble indiquer qu'elle a été érigée non pas à l'endroit où habitaient les geou=xoi mais bien à l'emplacement de leurs parcelles où l'association possédait sans doute un local commun destiné à des réunions et au culte du Grand Héros.

[A.T.]


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