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94. ÉPITAPHE DE BIKTORINIOS

Département de l'Art antique, inv. 198726.

Lieu et contexte de la découverte inconnus. Achetée avant 1913 pour la collection du Lyceum Hosianum à Braunsberg (no. d'inv. 1142), depuis 1947 au Musée National de Varsovie. Compte tenu de la forme du support et de l'inscription, le monument peut être attribué avec vraisemblance à Panopolis (cf. infra).

Calcaire blanc nummulitique. Plaque; h. 25,5 cm, l. 35 cm, ép. 5,1 cm. La plaque qui, à l'origine, était sans doute rectangulaire a été ensuite retaillée: ses deux coins inférieurs ont été limés, ce qui a probablement entraîné la disparition d'une lettre au début et d'une autre à la fin de la ligne 5. La patine, qui reste régulière sur l'ensemble de la surface, indique que la coupe est très ancienne; peut-être qu'elle a été effectuée peu après l'exécution du texte. La plaque ainsi taillée est conservée intacte. Lettres lunaires, très peu soignées (l'epsilon et le nu prennent deux formes différentes) d'allure cursive; les lettres sont peintes en rouge avec de l'ocre. L'alpha sous forme d'un triangle accolé à un trait oblique à droite, les deux panses du bêta relativement étroites, celle du haut allongée, la haste droite du delta prolongée sensiblement en haut, le mu cursif, la panse du rhô démesurément petite, le sigma allongé en haut et à droite. H. des lettres: 1,5 - 5,0 cm.

D'après la pierre à Braunsberg, S. de Ricci, Rev. épigr. 1 (1913), p. 151, no. 17: fac-similé, transcription en minuscules (F. Bilabel, SB IV 7301).

Cf. A. Łajtar, ZPE 125 (1999), p. 161, no. 101.

VI-VII s.

Biktwri/nio[j]

mona(xo\j) e)bi/w

sen e)tw=n

-

4 ne : Fameno\q

-

.j //, i)ndik?

[(ti/wnoj) nombre]€

BIKTWRINIS de Ricci dans la copie, Biktwri/ni(o)j de Ricci dans l'édition || mona// pierre || 4-5. Famenw\[q] zÄ de Ricci, lire Famenw/q

Biktorinios moine a vécu 55 ans. (Il est mort) le [ . ]7 Phamenôth, de [ ] indiction.

Bien que le lieu de découverte de la plaque reste inconnu, nous sommes d'avis qu'on peut attribuer ce monument à Panopolis ou à ses environs les plus proches. Cette attribution est en effet très vraisemblable, ce dont témoignent deux éléments, à savoir: la forme de la plaque et le schéma de l'inscription funéraire avec un e)bi/wsen caractéristique (à ce sujet, voir infra, commentaire des lignes 2-3). Pour ce qui est du premier de ces éléments, il faut souligner le fait que la plaque, rectangulaire à l'origine, a été retaillée (les deux coins inférieurs limés) après la gravure de l'inscription. La forme ainsi obtenue peut être définie en termes de géométrie comme un triangle équilatéral tronqué surmonté d'un rectangle. Une forme analogue, quoique inversée (rectangle surmonté d'un triangle équilatéral, tronqué ou régulier), est caractéristique des monuments funéraires de Panopolis de la période chrétienne; voir p.ex. Lefebvre, Recueil, Introduction, p. XXVII; H. Leclercq dans: DACL IV 2 [1921], col. 2493, s.v. «Égypte, Epigraphie»; D. Zuntz, MDAIK 2 (1932), p. 22 et 24. Peut-être qu'en retaillant la plaque avec l'inscription funéraire de Biktorinios et en lui donnant ainsi la forme typique des stèles funéraires de Panopolis on avait l'intention de l'adapter à une autre personne mais que, pour des raisons inconnues, ce projet a été abandonné.

1.         Le lapicide a primitivement gravé BIKTORINOO[%], puis il a rectifié en remplaçant le premier omicron par un iota; seul le iota est peint en rouge. Le nom Biktwri/nioj est dérivé de Bi/ktwr (lat. Victor). Pour la transcription du /v/ latin par un « b» en grec voir commentaire de l'inscription 121, l. 2

2-3.Dans les inscriptions funéraires chrétiennes d'Égypte, l'emploi du verbe bio/w, pour désigner le nombre d'années vécues par le défunt, est géographiquement limité à ville de Panopolis ou, tout au plus, à ses environs très proches. Partout ailleurs cette fonction était remplie par diverses formes du verbe zw=, ou l'on écrivait tout simplement « x années », sans aucune formule d'introduction. Les inscriptions funéraires chrétiennes de Panopolis, représentées par quelques dizaines d'exemplaires (cf. surtout une très nombreuse série dans Lefebvre, Recueil, nos 238-351), sont pour la plupart construites selon un des schémas suivants: 1) sth/lh tou= dei=noj: e)bi/wsen avec le numéral + la date du décès; 2) o( dei=na e)bi/wsen avec le numéral + la date du décès. Il convient de souligner le fait que dans les deux schémas, d'ailleurs très similaires, bio/w est toujours employé à l'aoriste: e)bi/wsen. Dans cette partie de l'Égypte, il est possible d'observer l'emploi de e)bi/wsen dans le contexte funéraire et surtout, sur des étiquettes de momie, en remontant jusqu'à l'époque impériale; cf. F. Baratte, B. Boyaval, Catalogue des étiquettes de momies du Musée du Louvre (C.E.M.L.) - textes grecs », CRIPEL 2 (1974), p. 159-160. L'usage de e)bi/wsen ainsi que la forme de la stèle (cf. supra) prouvent de façon convaincante que l'épitaphe de Biktorinios vient de Panopolis ou de ses alentours très proches.

Avant le dzêta dans le numéral, une trace de lettre reste visible sous forme d'extrémité supérieure d'un trait vertical. Comme la distance qui sépare ce trait du dzêta n'est pas très importante et qu'il n'y a aucune trace de gravure entre ces deux signes, il est légitime de penser qu'il s'agit plutôt d'un iota (10) que d'un kappa (20). Biktorinios serait donc mort le plus vraisemblablement le 17 Phamenôth.

[A.Ł.]


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